Tu dois noter la scène. Les détails. Tu devrais noter les détails. Cela fait quoi, deux ans ? Deux ans que la scène tourne en boucle. Deux ans que tu regrettes. Deux ans et tu sais que tu n’aurais pas dû laisser passer, que tu n’aurais pas dû protéger, que tu n’aurais pas dû accepter. Cela fait deux ans, un peu plus pour tout dire, que l’on t’a traité de menteur, et que tu aurais dû te lever et quitter la pièce. Parce qu’on ne peut pas travailler avec quelqu’un qui envisage qu’on lui mente. Tu as fais confiance. Tu as cru que c’était de façade, que ce n’était pas sérieux, que l’on ne pouvait pas raisonnablement penser ça de toi. Et tu as laissé le ver s’installer dans le fruit. Tu sais, toi, que tu n’as pas menti. Tu sais, toi, que les mots ont été dits. Personne ne t’a demandé lesquels. On t’a traité de menteur. On a laissé planer le doute. Personne de t’a dit : nous te faisons confiance. Et, ça, ça a fini par tout bouffer de l’intérieur. Chaque humiliation, après celle-là, a été plus difficile à accepter. Et il y en a eu d’autres. Mais c’est la celle-là qui compte, celle qui lance le décompte. Le mensonge considéré comme possible. Et, à la fin, t’accuser d’un tissu de mensonges car, si tu as menti une fois, on peut mettre en doute tout ce que tu as dit avant, tout ce que tu as dit ensuite, rien n’a plus de valeur. Rien ne tient plus. Tu n’as plus de valeur. Et c’est ce qui a fini par arriver : tu as perdu toute valeur, tu n’as plus mérité la moindre considération. Tu avais tout bâti sur la confiance. Tu avais tout construit là-dessus. Tout s’est écroulé. Un château de carte ? Pas vraiment, ça a été plus lent. Des semaines, des mois. Le ver dans le fruit, oui. Et, à un moment, on appuie sur le fruit, et plus rien. Plus de résistance, plus de force. Tout s’écroule. Tout cède. Tout cela parce qu’on t’a accusé d’un mensonge et qu’on n’a pas voulu croire que tu ne mentais pas. Tu ne pouvais pas mentir. C’était impossible. Mais, parole contre parole, la tienne n’a pas fait le poids. Et c’est comme au judo, tu as perdu l’équilibre. Et on t’a regardé tomber sans t’écouter. Pourquoi on écouterait un menteur ?