N’ouvre pas le journal où s’impriment les nouvelles d’hier : tu n’y trouverais qu’un reflet déformé du passé, des mots déjà usés, des échos éteints.
Ce qui compte : ce que tu fais de l’heure qui vient et combien d’humains tu convainc de vivre le même présent que toi.
Dans le journal, du texte à découper en mots, des mots à remettre dans le désordre qui dit le futur, les promesses que tu tiendras, les paroles que tu murmureras et qu’écoutera avec attention l’enfant qui portera nos espoirs.
Détourne ton regard du soleil couchant : porte tes yeux où la nuit devient noire. Attends. C’est là que tu verras le soleil resplendir.
Ajoute au stylo-bille des moustaches aux portraits du journal, de longues oreilles aux femmes et cache les uniformes derrières des hachures noires. Il ne restera bientôt rien des événements qu’on a cru immortaliser en les publiant.
Couche-toi au matin : l’on n’y parle que de la veille. Éveille toi vers midi pour expliquer au monde que tout ce qui compte sera fait le lendemain. Recommence chaque jour. Promets toujours demain. Cela finira par se produire.
N’annonce pas la fin du monde mais son commencement : il n’y a aucune preuve de la veille alors que demain se démontrera, pour peu qu’on soit patient.
Ne te retourne pas. Il n’y a déjà plus rien à voir : le seul moment dont tu puisses espérer quelque chose est celui qui vient. Si il te déçoit, dis-toi qu’il sera suivi d’un autre.
Ne cherche pas à connaître l’avenir : ce qui se prévoit est sans intérêt. Seule compte la surprise qui échappe à tout calcul. Ne te prépare pas : il se produira autre chose. Soit simplement là.
Si l’on te double, ralentis : tu arriveras en temps et en heure. L’autre devra rendre des comptes aux moments qu’il aura volés.
Vers la fin, étonne-toi qu’elle ne se soit pas déjà produite.
