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Chaque mois, cinq idées pour améliorer votre créativité éditoriale

Journal – 27

12/10/22
Découvrir, trop tard, que Bob Dylan joue ce soir à Paris. C’est que je ne surveille pas et que ce n’est donc pas si important. Mais, pour la place qu’il occupe dans Mum Poher, je pourrais avoir organisé les choses autrement, et je serais sans doute heureux de l’avoir fait. Je n’ai pas tellement raconter le rôle que joue Bob Dylan dans le texte, voire dans l’intrigue. Mais il est central. Il joue en concert, et sa biographie comme ses textes ont beaucoup eu d’influence sur ce que j’ai écrit. J’aurais pu aller voir Bob Dylan. Bientôt, je ne pourrai plus. Les choses sont ainsi faites. Je regretterai. Il y a pas mal de choses dans la vie qui se passent de cette façon-là.

13/10/22
Je considère que le livre à venir est le premier. Ce n’est pas totalement faux. Ce sera le premier qui coche toutes les cases du livre tel que je le veux depuis que je sais ce que je veux. Un livre choisi par un éditeur, un livre de littérature générale, un livre sincère. Aucune des publications précédentes ne remplissait les trois conditions. Je tire une vraie satisfaction de certains, et même une certaine fierté. Mais c’était chaque fois autre chose. Il y a une forme de satisfaction agréable et spécifique à la réalisation tardive d’un objectif. Premier roman refusé, heureusement, il y a trente ans, et puis voilà. Le livre dont je me disais à 20 ans qu’il faudrait que je l’ai écrit à 30 est venu après 50. Mais il est venu. Une satisfaction, je vous dis. Et c’est déjà pas mal.

14/10/22
Histoire d’en rajouter au programme déjà chargé des journées, l’éditrice qui t’appelle pour une deuxième édition d’un livre proche d’être épuisé. Quelques mois pour proposer une édition revue et augmentée. C’est toujours gratifiant, et difficile de dire non. Si j’ai des choses à ajouter ? Oui. Il faudra faire un peu de place, car on n’augmentera pas la pagination. Mais c’est mon sujet professionnel de prédilection, alors allons-y. On ne rechigne pas. Sortie fin août 2023. Tiens, mais avant Le livre, donc ? Ben oui…

15/10/22
Ne pas se tromper sur ce qu’est ce journal. Celui de la lecture et de l’écriture. C’est déjà beaucoup dire de moi. Pas une thérapie, pas d’aveux, pas de doutes existentiels hors l’écriture. C’est déjà beaucoup de doutes et beaucoup d’aveux. Le reste ne regarde personne, et ce journal est visible. Certains jours, le reste prend toute la place, et le journal l’interstice de lecture et d’écriture qu’il reste. Juste quelques phrases jetées là. Et que j’oublierai avoir écrites. Mais cette respiration est souvent essentielle. Je ne sais pas si elle est constitutive de quelque chose ou si elle tient de la manie, mais j’ai l’intuition qu’il y a une importance à s’y accrocher. S’il y a une importance à quoi que ce soit.

16/10/22
Lecture un peu tardive de La Chute d’Albert Camus. Qu’en aurais-je tiré à 20 ou 30 ans ? C’est à 50 qu’il faut lire ce livre-là tendu comme un miroir au lecteur et qui s’adresse à soi, directement. Il était dans la pile des livres à avoir lu à la sortie de ce livre qui finira par arriver, ce n’est qu’une question de mois, tout est en ordre pour ça. Donc La chute. Et le tour de force littéraire du monologue adressé longtemps à un personnage de fiction, jusqu’à ce qu’on découvre que c’est à soi-même qu’Albert Camus parle, et que ce discours pourrait bien être le sien propre, comme je suis bien le lecteur auquel il s’adresse alors que j’ai cru longtemps m’identifier au narrateur. Mais dans le jeu de miroirs, n’est-ce pas le même ?

17/10/22
La première partie des Motifs de Laurent Mauvignier, 40 pages, m’a bien secoué, et ému. C’est comme un enfant se met à écrire, et comme l’adulte s’y remet, et comme le premier livre se refuse à lui, l’échec, l’impossibilité, l’abandon, presque, et comme un miracle : le livre arrive alors qu’il n’y avait plus de chance. Laurent Mauvignier a un an de plus que moi. Ces histoires d’âge et du moment où le livre arrive. J’ai d’abord cru qu’il fallait qu’il arrive avant mes 30 ans. Et puis j’ai continué à y croire jusqu’à ce qu’il soit manifestement trop tard. Et c’est là que mon premier livre est arrivé (il faudra que je m’explique cent fois de la raison pour laquelle, c’est le premier). J’ai eu les larmes aux yeux en lisant Mauvignier. Vraiment. Ces 40 pages sur la naissance à l’écriture, ce qu’il faut comprendre, ce qu’il faut faire, et comme ça arrive, finalement. C’est très différent, forcément, mais très proche aussi.

18/10/22
De la nécessité des journées d’inaction. Ne rien faire. Ce sont les jours où les priorités se hiérarchisent, les heures durant lesquelles les idées s’organisent. Ne rien faire, c’est gagner tellement de temps. Hier, je n’ai quasiment rien fait. Et je sais que c’était important. Lu des choses, réglé deux ou trois affaires, mais sans aucune pression de rendement. Ne rien faire, et écrire. Mais d’abord ne rien faire. Pour écrire, avoir d’abord trouvé l’état qui me permet de le faire. Je sais lequel c’est et comme il m’est maintenant possible de l’atteindre. Une question de rythme, de concentration, ou, mieux, de focalisation sur l’écriture. Trente minutes, une heure peut-être pendant lesquels il n’y a plus rien entre le texte et soi. Mes séquences d’écriture ne sont guère plus longues. Et elle passe par le préalable de ne rien faire.

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