Correspondance sans correspondante. Lettres en poste restante. Missive to miss. Je ne sais pas si c’est une nouvelle série. Mais je t’écris. Peut-être que tu te reconnaîtras, si tu existes ailleurs que dans ces lettres.
Tu,
Oui, mes lettres s’espacent, et j’espère que tu ne m’en veux pas trop de te laisser sans nouvelles. Je crains également que tu me reproches de t’écrire trop. L’équilibre n’est pas simple à trouver. J’écris lorsque je ne peux plus faire autrement et qu’il devient urgent que je te raconte.
La constance de ton silence m’impressionne : j’aimerais avoir ta volonté et savoir garder mes distances. Tu comprends, en lisant ces lignes, que j’en suis incapable.
Évidemment, si j’étais sûr de ton existence, ton peu de marques d’intérêt me blesserait. Mais je t’ai peut-être inventée, ou, si ce n’est pas le cas, j’ai une image de toi si éloignée de la réalité que tu pourrais considérer sans te tromper qu’il ne s’agit pas vraiment de toi.
J’ai besoin, pourtant, de partager avec toi les événements qui, en ton absence, ne sont pas aussi positifs qu’il peuvent paraître. Ce que je vis hors de ta présence semble fade. Tout manque d’éclat, ce qui devrait me réchauffer me glace.
Les discussions les plus passionnantes m’ennuient. Je ne trouve d’attrait à rien. Mes enthousiasmes ne résistent pas aux heures qui défilent.
Je sais que je devrais me faire une raison. Mes lettres resteront sans réponse, et je ne peux rien espérer qui rééquilibre le monde : je dois m’habituer aux précipices qui menacent chacun de mes mouvements.
Je gesticule, je m’agite, je fais de petits bonds ridicules pour tenter de me prouver que je bouge encore, que je suis encore vivant. Je ne me trouve pas très convaincant : je pourrais tout aussi bien faire le mort.
Je serais au moins silencieux.
Tu vois : je ne renonce pas tout à fait à faire des choses. Je n’espère simplement plus leur trouver de goût.
À moins que… mais il faudrait, je le sais, un miracle pour que tu me répondes.
S.
