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Chaque mois, cinq idées pour améliorer votre créativité éditoriale

Journal – 11

4/1/22
Chacun y va de son anecdote avec les frères Bogdanov, morts non vaccinés du Covid. Je suis de la génération Temps X. Rien d’original à cela, et si le souvenir est flou, je sais que j’appréciais l’émission et que sans doute elle a posé des jalons dans mon imaginaire. Pour quelques raisons personnelles, la gémellité ne me laisse pas tout à fait indifférent. Je les ai croisés une fois au détour d’une allée du salon du livre de Paris, un soir d’inauguration où le gratin des auteurs et des éditeurs se partageait petits fours, coupes de champagne et congratulations. Et ils avaient leurs têtes inoubliables aux reliefs surnaturels. Je n’ai rien vu d’autre que des phénomènes de foire. Le défaut, je l’admets, était dans mon regard. Et peut-être un peu dans l’abus du champagne.

5/1/22
Lancement de l’opération Le Catalogue 2002. Sur mon site, sur Youtube, sur Instagram. À suivre avec le hashtag #lecatalogue2022. Cela fera sens avec l’accumulation, jour après jour, des micro-portraits inspirés par les produits extraits au format carré de catalogues de la grande distribution. J’ai choisi une enseigne qui met en ligne chaque mercredi un nouveau catalogue hebdomadaire, je choisis arbitrairement sept captures d’écran pour les sept jours de la semaine. À chaque jour j’associe un prénom, et à partir de là, j’écris. Puis j’enregistre. C’est minimaliste. Je travaille avec une semaine d’avance (les sept premiers sont près au lancement de l’opération, le mercredi, les sept suivants seront “dans la boîte” le dimanche suivant, et ainsi de suite). À la fin, si rythme tenu sur la durée, 365 portraits inspirés par les produits en promotion de l’année. Pour dire quoi ? Mais comment voulez-vous savoir avant que le chemin soit fait ?

6/1/22
Premier texte accepté en revue. Premier texte littéraire, créatif. Première publication, en quelque sorte. Ce ne devrait pas être exactement comme une première publication. L’importance du moment, je devrais être capable de la relativiser. D’ailleurs, je relativise, mais je vis tout de même cela comme une étape. Je publie un texte littéraire en revue. Il est accepté, reconnu, et lu. Là aussi, relativiser. Mais il y a édition. Il y a lecture. Il se passe quelque chose. Internet a beaucoup changé l’importance des revues qui ont longtemps été le seul lieu où faire ses armes, où se faire repérer. Chacun a ces outils à disposition, désormais. Mais la revue, c’est une forme d’adoubement. Quelqu’un, quelque part, a jugé que cela valait bien publication. Pas tout à fait le premier texte accepté en revue, quand j’y repense. Mais la toute première revue, quand j’étais étudiant, c’était facile : c’est moi qui l’avait fondée. Comme quoi, on avait déjà les outils, et bien avant le web.

7/1/22
Respecter les règles, jouer avec. Regarder ce qui fonctionne et s’en inspirer. J’ai toujours eu des réticences avec ça. Ce qui est assez incompréhensible, car, parallèlement, jouer avec les contraintes ne me déplait pas, bien au contraire. La question se pose concernant les vidéos courtes tirées de mon projet #lecatalogue2022 que je diffuse sur YouTube. Le format a un nom : les Shorts. Des vidéos de moins d’une minute, qui doivent attirer dès la première seconde sous peine que le spectateur d’un coup de pouce fasse défiler la vidéo instantanément. Les conditions de réception, dans ce flux ininterrompu d’images sont très rudes, et ne laisse pas de temps pour expliquer ou séduire. Si je voulais m’y adapter, il me faudrait peut-être écrire autrement, et ce ne serait plus le même projet. Si je voulais y diffuser efficacement mes textes, pour y toucher une audience plus large, il faudrait que je construise mes vidéos pour ça. Que j’optimise en fonction du public et de ce qu’il attend, sans dénaturer ma démarche. Pour donner à ma petite galerie de personnages une chance de toucher un plus large public. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

8/1/22
Dans la boîte à livres, une édition de Belle du seigneur dans la collection blanche de Gallimard, avec un bandeau rouge : « Grand prix du roman de l’Académie française 1968 ». Un pavé. Je le photographie et le laisse sur place. Ce sera l’occasion pour une ou l’autre de découvrir Albert Cohen, même si j’aurais aimé voir cette tranche dans ma bibliothèque. Ça en jette un peu dans cette édition. Mais je dois déjà en avoir deux autres, alors quoi, les boîtes à livres c’est pour faire circuler les textes, non ? Je les ouvre toujours, au cas où, et j’y ai parfois fait quelques belles trouvailles. J’aime cette sérendipité, ce hasard et des textes qui vous tombent dessus qu’on n’aurait peut-être jamais trouvés, des livres que j’emprunte parfois le temps d’un déjeuner en solitaire avant de les reposer où je les ai trouvés. Et ça me va très bien comme ça. Qui trouvera Belle du Seigneur ? Qui l’a déposé ?

9/1/22
La Mauvaise Habitude d’être soi, de Martin Page, illustré par Quentin Faucompré est un recueil de nouvelles (Editions de l’Olivier). Du fantastique, de l’absurde : des noirs et drôles. Dans la première nouvelle, la victime d’un meurtre peine à prouver au policier qu’il est bien vivant. Cette petite fable sur l’absurdité administrative vaut à elle seule d’ouvrir le livre. Tout cela date de 2010. Une éternité à la vitesse où vivent les livres aujourd’hui. La nouvelle est un genre en soi, et pas le plus simple. Celles-ci ont su me séduire dans ce décalage minime avec la réalité qui laisse juste la place au dérapage. C’est le monde qui vacille et l’identité des personnages qui se fissure par la force des non-dits. Une lecture rapide, c’est le propre de la nouvelle, et réjouissante, ce qui n’est pas toujours gagné. Et des souvenirs qui remontent des cours sur le fantastique à l’université. Là que j’ai lu pour la première fois Emmanuel Carrère, avec La Moustache.

10/1/22
Le projet Le Catalogue 2022 s’étoffe d’une page d’accueil. Un mur d’images qui renvoie vers les textes, un mur d’images sans espace, comme un patchwork qui devrait prendre au fil des semaines des dimensions un peu conséquentes. A raison de quatre images par ligne, ce sera plus de 90 lignes au final, et je crois que l’effet de masse, qui sera atteint en quelques semaines, commencera à donner une idée de comment l’on étouffe sous les produits, de comment la consommation, souvent inutile, prend toute la place, et de comment, derrière les promesses des promotions, des femmes et des hommes tentent de construire le récit de leur vie, tant bien que mal, et avec une suffisante variété pour que cela semble un tourbillon sans fin. C’est beaucoup d’intentions derrière le petit texte et la petite vidéo de chaque jour. Peut-être. Mais le dispositif compte autant que la petite production quotidienne. Heureux de voir ça prendre forme, en tout cas. Relire, peut-être, Les Choses de Georges Perec.

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