210 – Correspondance 2

Correspondance sans correspondante. Lettres en poste restante. Missive to miss. Je ne sais pas si c’est une nouvelle série. Mais je t’écris. Peut-être que tu te reconnaîtras, si tu existes ailleurs que dans ces lettres.

Toi,

J’admirais, je crois, ces relations épistolaires du temps où l’on envoyait par la malle-poste les courriers à leurs destinataires. C’était au début du XIXe siècle. Au temps des diligences, plus lentes, et l’on n’avait guère d’autres moyens de correspondre. Il fallait de la patience. Et l’on espérait la réponse pendant des jours.

J’aime cette idée du temps imposé. Attendre la réponse. Et savoir que ce qu’on écrit aura déjà vieilli lorsque ce sera lu. On écrivait moins, alors, me semble-t-il, sous le coup de l’émotion du moment : les propos tenus devaient garder un minimum de validité dans le temps.

Aujourd’hui, je peux t’écrire au moment presque où tu vas me lire, et c’est presque te parler : je ne prends pas garde avec autant de précision à la teneur de mes propos Je t’offre dans l’instant ce que je ressens et qui disparaîtra peut-être dans quelques minutes. A-t-il jamais été raisonnable de t’écrire ainsi ?

Pardonne-moi pour ces lettres envoyées trop vite, à peine relues, dans l’émotion brute, encore intacte. Il aurait fallu que je sache plus souvent prendre le temps. Si j’avais su attendre l’arrivée des chevaux de la malle-poste, fatigués par la course, j’aurais pesé mes mots avec plus de précaution, plus de délicatesse, et je t’aurais évité l’émotion abrupte que tu n’avais pas à partager. Que pouvais-tu faire de tout cela ?

Il aurait fallu des jours de voyage pour laisser à mes phrases le temps du repos. Je n’ai pas su m’y contraindre. Trop besoin de partager ; mais rien ne nous obligeait à vivre à cette vitesse, rien ne m’obligeait à t’imposer cette cavalcade.

Je ressors meurtri de cette course insensée. J’en ressors désespéré. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même : c’est moi qui ai imposé ce rythme frénétique qui n’a laissé aucune place aux respirations. Je n’avais pas le choix, me semblait-il. Pas le choix. Tu parles. J’ai fait ce que j’ai pu, je crois. Et ce n’était pas assez.

Je regrette aujourd’hui. Trop tard comme sont les regrets, de n’avoir pas su ralentir à temps la cadence.

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