Lubrizol : 72 heures à Rouen

Retour sur les trois jours qui ont commencé, le 26 septembre, avec l’incendie de Lubrizol à Rouen.

4h30, jeudi 26 septembre 2019. Insomnie. La vie est parfois faite de ces détails-là. Un coup d’oeil au portable. Les tous premiers tweets font état de l’incendie qui a commencé à 2h40. Une douche. Et je fonce. Pas forcément une bonne idée, mais c’est le journalisme qui veut ça. Je vais voir. Sur place à 5H20. Et là, c’est impressionnant. Je m’approche à 500 mètres et je filme.

La vidéo sera vue plus de 120 000 fois sur Twitter. Autant sur le site de Ouest-France. Dans les minutes qui suivent une agence de presse japonaise me demande l’autorisation de l’utiliser. Puis Europe 1 me contacte sur Twitter. Téléphone. Je suis interviewé pour raconter ce qui se passe. Entre temps, j’ai prévenu Ouest-France, le journal pour lequel je travaille. Le site Internet ouvre sur l’incendie. Une usine Seveso 2. Des produits chimiques. Des explosions en pleine ville. Un direct, qui va durer toute la journée, est ouvert à 7h29. Avec le premier témoignage d’une habitante de Petit-Quevilly et ma vidéo. Les prises de contact d’agences de presse et de médias se multiplient sur Twitter. C’est une véritable déferlante. Je ne peux pas répondre à tout le monde.

La vie est ainsi faite que mon agenda est déjà rempli pour ce jeudi : j’anime un atelier aux 6 heures de l’agilité, à Caen. Le départ est prévu à 7h. Je fonce. Téléphone à l’oreille. Ouest-France dépêche deux journalistes et un photographe à Rouen.

9h. Caen. Un bel événement dont j’ai un peu la responsabilité. Des ateliers de 30 minutes sur les outils numériques. L’équipe est au top. Je parle 30 minutes. Le reste du temps au téléphone. J’obtiens le témoignage de deux habitants du quartier de Lubrizol qui ont fuit leur maison avant l’alerte officielle. J’écris le papier sur une table, dans un coin. Il est aussitôt mis en ligne. 13 heures. Retour à Rouen.

Il est l’heure d’écrire les articles pour le journal du lendemain. Me revient l’article sur l’ambiance à Rouen pendant cette première journée. Il trouvera sa place dans les pages consacrées à l’événement dans le journal et alimenté par l’ensemble de la rédaction régionale de Ouest-France en Normandie.

Actualité oblige, mon passage sur France Bleu prévu à 14 heures a été reporté au lendemain. Une interview de 10 minutes où je parle de mon roman, Mum Poher. Décision est aussi prise de reporter la rencontre prévue à L’Armitière où je devais en parler. Lubrizol aura eu raison de ma carrière littéraire naissante (mais ce n’est que partie remise).

Le lendemain, Dès 7 heures, je pars sur le site de Lubrizol. L’incendie semble maîtrisé. L’odeur est forte. Des ouvriers rassemblent leurs affaires dans le cimetière qui jouxte l’usine. Ils ne vont pas rester travailler là. Je peux m’approcher au plus près de ce qui reste de la partie du site qui a brûlé (l’article).

Ensuite, c’est reportage vidéo. Je vais jusqu’à Morgny-la pommeraie, et Blanville-Crevon, au Nord de Rouen, au-delà de la zone des communes listées par la Préfecture. Traces de suie, inquiétude. Un potager, des jeux pour enfants : tout est souillé. Je filme encore, et je raconte. C’est un brin anxiogène. Mais on en est là près de Rouen.

17h. Deux ministres sont annoncées sur le site de Lubrizol. J’y vais. L’attente est longue, et l’on n’apprend pas grand chose… Jusqu’à ce qu’Agnès Buzyn reconnaisse que Rouen est polluée.

La journée ne se termine pas avec cet article. 21h30. C’est l’interview de Charlotte Goujon, qui fera la une du site de Ouest-France le lendemain matin. Elle est en colère, et ça se sent. Elle revient, point par point, sur le déroulé de la journée précédente.

On est samedi matin. Je m’assure de la mise en ligne de l’interview. Et le rédacteur en chef de C d’ans l’air (France 5) m’appelle. L’émission du jour même est consacrée à Lubrizol. Est-ce que je peux venir à Paris. Pas vraiment d’hésitation. Il faut que j’annule un reportage prévu l’après-midi pour aller témoigner de ce qui s’est passé à Rouen pendant les deux jours précédents.

Il me faut une veste, pour être présentable. C’est cela aussi, la vraie vie. Je descends en ville, comme on dit depuis chez moi. Je croise du monde, moins que d’habitude. Le facteur qui m’avait déposé un recommandé un peu plus tôt m’avait prévenu : les Rouennais étaient plus nombreux que d’habitude à être partis en week-end. Une personne sur huit ou dix porte un masque chirurgical, en ville.

Et d’autres soignent leurs poumons à coups de tabac en terrasse. Le contraste est total. A l’image des informations qu’on a depuis deux jours : il n’y a pas vraiment de danger, mais on ferme les écoles de certaines communes, et on annule les manifestations. Les locaux de France 3 Normandie ont été évacués, mais le centre commercial tout proche est resté ouvert. D’autres écoles pourraient rester ouvertes, mais elles ont des traces de suies dans la cour… Les signaux sont contradictoires, incompréhensibles, et source d’une angoisse sourde. C’est ce que j’irai expliquer, à 17h45, sur le plateau de C dans l’air.

5 réflexions sur “Lubrizol : 72 heures à Rouen”

  1. J’habite sur les hauteurs de Rouen rive droite, sur la trajectoire du panache de fumée, et j’ai vécu les conséquences de l’incendie de Lubrizol depuis le début.

    Depuis l’extinction de l’incendie , mon quartier est soumis aux émanations provenant de la « mélasse d’hydrocarbures » présente sur le site qui s’évaporent dans l’agglomération depuis UNE SEMAINE (plusieurs milliers de litres de produits toxiques laissé à l’air libre, 5cm d’épaisseur de bouillie d’hydrocarbures dangereux divers).

    Le préfet n’a rien fait pour retirer rapidement cette mélasse d’hydrocarbures toxiques, arguant que c’était l’affaire de Lubrizol ! Vraiment ??? Fallait-il ne rien faire pendant une semaine, et laisser les hydrocarbures s’évaporer sans rien faire ? C’est honteux !

    Depuis UNE SEMAINE (8 jours), ces émanations d’hydrocarbures me brûlent les poumons quand je respire, me piquent la langue, me donnent des nausées et mal à la tête quand je sors. Quand il pleut, l’odeur et les symptômes sont encore pires (ça brûle !).

    Les rouennais respirent cette saleté tous les jours (principalement rive droite en raison des vents dominants du sud-ouest vers le nord-est).

    Je m’étonne beaucoup du traitement de l’information par l’ensemble des journalistes : pour beaucoup, la catastrophe s’arrête à la fin de l’incendie. Mais quid de la toxicité des vapeurs d’hydrocarbures qui sont restées à l’air libre sur le site pendant UNE SEMAINE depuis l’extinction de l’incendie ? Quid de l’analyse toxicologique de cette bouillie d’hydrocarbures que les Rouennais ont respiré pendant cette semaine entière ?

    Il aurait été utile que l’État fasse sont travail, et mobilise des moyens pour retirer cette mélasse d’hydrocarbures toxiques RAPIDEMENT, ce qui n’a pas été fait, livrant les rouennais a des émanations d’hydrocarbures très certainement toxiques. Il conviendrait aussi que les journalistes s’intéressent aux vapeurs d’hydrocarbures émises depuis une semaine, et non pas seulement aux fumées liées à l’incendie !

    Merci à vous !

    1. Merci pour votre témoignage, qui recoupe celui de nombreux habitants. Je peux vous confirmer que les journalistes sont toujours sur le terrain. Nous étions très nombreux aujourd’hui à la conférence de presse du Préfet. Médias locaux comme nationaux.

  2. Ping : Médias : 4 astuces pour contacter un témoin sur les réseaux sociaux - Samsa.fr

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