Bernard Pivot a fait une faute d’orthographe. Dans un tweet. Un de ses jolis gazouillis du matin qu’il affectionne. J’ai eu la chance d’en parler une fois avec lui, de Twitter. Un déjeuner. C’était comme rentrer dans le poste de télévision de mon adolescence, parler à celui qui avait parlé à tant et tant. Il était ce qu’il a toujours été, est toujours. Pétillant, délicieux, juste, attentif. Oui, je suis un peu fan, et ça ne m’est pas si courant.
Bref, Bernard Pivot a fait une faute d’orthographe. L’homme des dictées, l’homme de la langue juste, du respect des formes. Ah ! Ah ! Pris en faute, lui. Lui qui donna des sueurs froides à tellement de champions de grammaire et de vocabulaire. En moins de 10 minutes, les réponses à son erreur fusaient sur Twitter comme autant de cris de vengeance outragée.
Rappelons que la correction a plusieurs sens. Si il s’agit bien, parfois, de corriger la faute, la correction voudrait au contraire qu’on ne la relève pas.
Mais souligner les fautes publiquement est un sport répandu sur le web, là où un petit message privé ferait très bien l’affaire. J’en ai fait bien souvent les frais, car je suis loin d’être aussi irréprochable que Bernard Pivot concernant l’orthographe. Il faut préciser cependant que j’ai pour maîtres en la matière Alexandre Vialatte, Alphonse Allais ou Valéry Larbaud – les liens renvoient vers leurs citations sur le sujet.
Ce que je retiendrai de la faute de Pivot, c’est qu’elle est rassurante. Personne n’est à l’abri. Une touche oubliée sur le clavier, une relecture un brin distraite, une attention portée à autre chose au moment crucial… Ou c’est parfois juste qu’on n’est pas bien réveillé.
Pas bien réveillé… " ne sont unis…" dans le premier tweet de ce matin. Veuillez m'excuser.
— bernard pivot (@bernardpivot1) June 15, 2015
Et personne donc ne devrait jamais être assez sûr de lui pour de haut reprendre, réprimander et humilier sarcastiquement le mécréant qui aurait fauté. Ce n’était pas le genre de Pivot, même dans ses dictées, qui voyait dans les pièges tendus par la syntaxe un jeu, un casse-tête, un amusement. Et c’étaient d’autres chausse-trapes alors qu’un t oublié à sont.
[Mise à jour] Ce n’était pas la première fois que Bernard Pivot commettait une faute sur Twitter. Il l’évoquait en mai 2015 à la télévision.