1er juin
Imaginer un personnage, c’est passer de la littérature à la psychologie. Je peux écrire facilement le ressort principal d’un personnage qui suffise presque à l’élaboration d’un roman : « Ai-je jamais été désiré ? La question du désir, non pas les siens, qu’on cherche à satisfaire, mais celui des autres : ai-je jamais été désiré ? Et si non, comment trouver ma place ? Cela va un peu plus loin que la peur de l’abandon. Personne n’a voulu de moi, personne ne veut de moi. Je cours après les marques, subtiles parfois, qui pourraient me laisser espérer le contraire. N’importe quelle marque d’intérêt, n’importe quelle marque d’affection. Que je sur-interprète. Mais il n’y en aura jamais assez. Le désir de l’autre sera toujours remis en cause. » Le tour est joué. Plus qu’à mettre de la chair à cette armature et je tiens un personnage. Et donc, un livre. Il n’y aurait qu’à tirer le fil.
2 juin
Il y a la folie. Perte, souvent progressive, de contact avec la réalité. Évidemment, on sait que la réalité n’existe pas. Seuls existent le plaisir et la douleur, on se maintient quelque part en équilibre. Comme on peut. La raison, c’est admettre un lieu commun, le réel, et des faits qui le constituent. A minima quelques lois physiques que nous partageons : le temps qu’on ne remonte pas, la gravité qui nous plaque au sol, et les principes de la thermodynamique. Le fou saute par la fenêtre en croyant qu’il flottera. Il attrape les braises à main nue. La réalité se rappelle à lui. « Je te l’avais bien dit », se moque sa mère lorsqu’il se brûle. C’est l’expérience de la douleur, et le plaisir d’un câlin tiède et réconfortant. Le fou dit à celui qui s’est brûlé qu’il ne le croit pas. Il l’accuse de mentir. Il refuse de partager sa réalité.