Imaginez. Je vous demande d’imaginer, parce qu’il est évident que ce dont je vais vous parler ne peut pas arriver, et que si ça arrivait, je ne vous en parlerais pas. Je vais donc vous parler d’une situation fictive, toute ressemblance avec une situation réelle serait purement fortuite, surtout si elle ressemblait à ça. Surtout si elle avait quoi que ce soit à voir avec ça.
Imaginez donc un dialogue, le dernier, entre un salarié et l’un des responsable de la structure qui l’emploie :
« Vous m’avez broyé.
– Je ne crois pas. »
Ce petit bout de dialogue, ce pas grand chose en apparence. Il en dit pourtant énormément sur une situation dans laquelle un salarié est amené à quitter son poste suite à, disons suite à ce genre de chose. Mais on imagine.
Comme la question de l’humiliation au travail m’intéresse depuis bientôt un an (j’aurais dû m’y intéresser plus tôt, je sais), et que je crains que cet intérêt ne me quitte pas de si tôt, j’en profite pour un petit commentaire sur ce tout petit bout de dialogue.
Le premier qui parle, donc, le salarié, fait part de ce qu’il ressent. Il s’agit d’une réaction à ce qui a été vécu comme une violence psychologique. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, si vous n’avez jamais ressenti de douleur psychologique, c’est comparable à « vous m’avez cassé le bras » ou « vous m’avez fait très mal », tout simplement. Un grosse douleur. Mais il est assez rare quand quelqu’un vous dit « vous m’avez fait très mal » que vous répondiez « je ne crois pas ».
Mais là, imaginons que cette réponse soit donnée. Absurde. Absurde, mais si ça arrivait…
« Je ne crois pas » : imaginez, vous avez en face de vous quelqu’un qui souffre (et ça se voit, avec larmes aux yeux et tremblement dans la voix, mais même si ça ne se voyait pas dans l’instant, ce ne serait pas la question) et la réponse c’est « je ne crois pas ».
Donc la personne qui souffre, à qui on fait mal, doit gérer ça, cette incrédulité, ce « Je ne crois pas », en essayant de ne pas traiter son interlocuteur de tous les noms (on imagine, mais on reste poli, tout de même). Parce que l’interlocuteur n’a pas à croire ou ne pas croire : c’est un ressenti, le ressenti de la personne en face de lui. Dire « je ne crois pas », c’est accuser l’autre de mensonge, ce qui, à vrai dire, n’a plus vraiment d’importance : on peut imaginer qu’il n’est plus à une humiliation près (mais on est toujours à une humiliation près).
Imaginez qu’en plus, il y ait eu une liste d’humiliations ressenties, un document de huit pages qui fasse le point sur ces humiliations, et que rien dans ces huit pages n’ait été remis en cause. Ce « je ne crois pas » qui résonne dans le vide, ce serait particulièrement dur à avaler, non ? Heureusement qu’on ne fait qu’imaginer.
Alors, rappelons quelques petites choses sur ce qu’est une humiliation.
L’humiliation est une expérience émotionnelle intense où une personne se sent dévalorisée, rabaissée, ou exposée à une perte de dignité et de respect aux yeux des autres. L’humiliation diffère de la honte en ce sens qu’elle implique souvent un élément social, où l’individu perçoit que sa valeur ou son statut a été diminué aux yeux des autres.
La réaction à l’humiliation peut varier considérablement d’une personne à l’autre. Plusieurs facteurs influencent la manière dont une personne réagit à une situation humiliante. Cela dépend de sa personnalité, de ses expériences passées, du contexte. Les mêmes actes dans des contextes différents auprès de personnes différentes seront vécus différemment. Si quelqu’un vous dit qu’il est humilié, vous ne pouvez pas remettre en cause son ressenti : vous pouvez essayer de comprendre, d’en parler avec lui, d’établir les raisons pour lesquelles il se sent humilié. Tout passe par le dialogue. Si la somme de ces humiliations fait que la personne se sent broyée, même combat.
Ah, oui, parce qu’on les connait les réactions aux humiliations. Elles diffèrent selon les personnes aussi, mais… on est dans un truc sérieux. Et j’ai dans l’idée aujourd’hui qu’il ne faut pas trop déconner avec ça dans le boulot.
Les conséquences psychologiques de l’humiliation peuvent être profondes et variées, troublant la santé mentale et le bien-être d’une personne de multiples façons :
1. Diminution de l’estime de soi :
• L’humiliation peut gravement affecter l’estime de soi, amenant la personne à se sentir inadéquate, inutile, ou indigne de respect et d’amour. Cette perte de confiance en soi peut persister longtemps après l’événement humiliant.
2. Dépression et anxiété :
• Les expériences humiliantes peuvent déclencher ou aggraver des symptômes de dépression et d’anxiété. Les individus peuvent revivre l’événement de manière intrusive, éprouvant une détresse émotionnelle significative.
3. Sentiments de colère et de ressentiment :
• L’humiliation peut susciter des sentiments intenses de colère, de ressentiment, et même des désirs de vengeance. Ces émotions peuvent être dirigées tant contre l’auteur de l’humiliation que contre soi-même.
4. Isolement social :
• Les personnes humiliées peuvent chercher à éviter les situations sociales pour se protéger de futures humiliations, menant à l’isolement social et à la solitude. Cela peut nuire à leurs relations interpersonnelles et à leur soutien social.
5. Stress post-traumatique :
• Dans certains cas, l’humiliation peut être traumatisante, conduisant à des symptômes de trouble de stress post-traumatique (TSPT), tels que des flashbacks, des cauchemars, et une hypervigilance.
6. Comportements autodestructeurs :
• L’humiliation peut pousser certains individus à adopter des comportements autodestructeurs, tels que l’automutilation, l’abus de substances, ou d’autres formes de comportements risqués, en réponse à la douleur émotionnelle.
7. Répercussions sur la performance et la motivation :
• Dans les contextes professionnels ou académiques, l’humiliation peut diminuer la motivation et la performance, les individus ayant peur de prendre des risques ou de s’exposer à de nouvelles humiliations.
8. Détérioration de la santé physique :
• Le stress chronique résultant de l’humiliation peut également avoir des effets néfastes sur la santé physique, contribuant à des problèmes comme l’hypertension, les troubles cardiovasculaires, et d’autres conditions liées au stress.
« Je ne crois pas ». Imaginez que ce dialogue arrive après plusieurs mois d’arrêt maladie… A ce niveau d’incompétence, un manager devrait se remettre un peu en cause. Enfin, j’imagine… Parce qu’évidemment, ça ne peut arriver un truc pareil. Ou alors…