On a d’abord longé le talus. Cela prend un peu de temps, mais l’escalade est salissante – il avait plu – et l’on n’était pas sûr de ne pas glisser. Il n’y avait que quelques pas jusqu’au chemin. Ce qui aurait été un détour par temps sec se révélait prudent et, pour tout dire, bien plus pratique. A droite après le talus, le chemin creux qui s’enfonce sous la futaie, puis la clairière et, visible à droite, juste dans l’ombre, la cabane que nous avions construite et que nous améliorions, saison après saison.
Pas question de travaux, pour le moment. On avait décidé de s’y retrouver pour parler, en un lieu où personne ne nous dérangerait. Parler. Se dire les choses.
On avait grandi. Les années avaient passé. Un jour, je m’étais aperçu que quelque chose avait changé. Ta façon de te tenir, ma façon de te regarder, notre façon de rire. Je ne savais pas trop. Il fallait qu’on se dise les choses.
Tu n’en avais pas très envie. Tu aurais préféré courir par les chemins, ramasser du bois, ou même t’endormir au milieu de la clairière. Pourquoi est-ce que je voulais que les choses soient dites ? Qu’est-ce que je cherchais ? Est-ce qu’on n’est pas mieux dans le silence ?
Peut-être. Mais tu n’avais plus rien de la petite voisine avec qui j’avais grandi. Et moi… nous n’étions plus des enfants. Voilà. Et mon cœur battait. Alors on pouvait en parler, assis dans la cabane.
Une fois que les choses sont dites, pourtant, on ne retrouve jamais l’insouciance. Tu le savais, toi. Alors tu n’as rien dit. Tu es sortie, plus légère que jamais, plus lumineuse et souriante. C’était ta plus belle réponse.
Je suis resté dans la cabane. Je ne sais à quel signal j’ai compris. La vitesse à laquelle tu as souri, l’inclinaison de ta nuque, ta façon d’à peine effleurer le sol en marchant. Tu n’as rien dit, mais j’ai su. Je suis resté cloué sur place : tu ne reviendrais plus.
