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273 – Correspondance 7

Correspondance sans correspondante. Lettres en poste restante. Missive to miss. Je ne sais pas si c’est une nouvelle série. Mais je t’écris. Peut-être que tu te reconnaîtras, si tu existes ailleurs que dans ces lettres.

Tu,

Tu aurais laissé en partant la trace d’un bol sur une toile cirée, et quelques miettes du pain de la veille : tu n’aurais pas passé l’éponge. C’est la moindre de choses, ne pas passer l’éponge. Ne pas pardonner. Partir, laisser la cuisine en plan, et me laisser me débrouiller avec cette trace arrondie, et les miettes. Je n’ai pas envie de nettoyer ça. Garder ta trace et les dernières preuves de ton passage.

Tu es partie. Non. Ce n’est pas exactement ça. Un jour, tu n’es pas revenue. Tu as laissé s’installer le silence. Les phrases en suspens. Et j’ai dû me débrouiller avec ça. Il ne fallait pas que j’insiste : il ne fallait pas que j’insiste, c’était à moi de disparaître. Je ne pouvais rien de mieux, rien de plus fidèle, rien de plus conforme à ce que nous avons traversé.

Tu n’es pas revenue et j’ai disparu. Nous avions encore cela en commun : un accord sur le silence qui s’installait. Pour de bon, pour toujours. Quelque chose de définitif et de tragique. Quelque chose d’injuste. Nous aurions mérité mieux. On subit, parfois, on fait, toujours, avec ce qu’on a. Et nous n’avions plus grand chose. Ça tenait à un rien, et ça n’a pas tenu. Ça n’a pas supporté les bourrasques.

Je suis resté figé devant les miettes qui restaient. Longtemps. Je n’ai jamais voulu ce qui s’est passé. Je refuse de porter la responsabilité de ce qui me dépassait. Je n’ai pas à endosser la moindre culpabilité ; je n’ai pas à supporter la honte : j’ai toujours tendu la main et toujours espéré. Jusqu’au bout. Jusqu’au vide. Jusqu’à l’abîme.

Rien ne t’obligeait. Je n’étais pas responsable, tu n’avais pas à l’être pour nous deux. D’autres que nous n’ont pas endossé leur rôle, mais tu n’en avais pas à tenir. Rien, je ne te demandais rien. Je te l’avais dit. Je ne te demande rien. C’était mon problème, mon fardeau, c’est mon fardeau. Je le porte pour toujours. Et si l’on me voit me redresser parfois, quand les lumières se rallument un instant, c’est pour donner le change. Je ne tiens pas longtemps.

Virevolte. Ailleurs. Sois heureuse. Oui, sois heureuse. J’ai assez de tristesse pour deux, assez de peine, assez de désespoir.

Ne passe pas l’éponge. Je porterai mes stigmates cachés. Je maquillerai mes plaies. Je ravalerai mes larmes. Toi, danse et profite de la chaleur des soirées de fête. Que je puisse au moins te voir sourire quand je ferme les yeux.

S.

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