176 – L’autre

Parfois, l’autre est un enfoiré dégueulasse, une raclure de bidet, un infâme, une truie, une faible traitresse, une incompétente lâche, un sous-fifre, un mielleux, un qui retourne sa veste, un corrompu de l’âme, une naïve pleine de l’assurance des sûres d’elles ignorantes. L’autre mérite tous les noms d’oiseaux, du poltron à hupette au cacatoès bureaucrate. C’est une verrue intellectuellement sous-développée, un arriviste, une carriériste, un calculateur sans colonne vertébrale, une huître, un mollusque, un céphalopode tétraplégique.

L’autre pourrait être ignoré, et devrait l’être, ne serait son pouvoir de nuisance, à souffler dans le sens du vent, à ne calculer que sa propre trajectoire, à afficher des principes qu’elle est incapable de mettre en pratique. Elle n’a de pitié que pour ses semblables, n’écoute que ses laudateurs, met sur la touche ses contradicteurs, humilie involontairement, et rabaisse par pure bêtise.

L’autre ne défend aucune position qui pourrait le mettre en situation d’inconfort, ferme sa gueule, courbe l’échine, refuse les responsabilités, n’en pense pas moins, mais n’assume rien. L’autre obéit aux ordres, anticipe les demandes, se plie à volonté. Elle calcule. Il complimente. Elle acquiesce. Il sert la soupe. Elle se tait opportunément. Il renchérit à bon escient. L’autre se range à la loi du plus fort. Il prévoit l’échec. Il se rengorge des victoires qui ne lui doivent rien. L’autre est un boulet à traîner qui s’approprie les idées qui le feront bien voir.

Elle est douée, présente bien, pratique le rond de jambe. Il caresse dans le sens du poil. L’autre est de la pâte à modeler qui prend la forme qu’on souhaite. Malaxable à souhait, elle ne pose pas le moindre problème. Corvéable et affable, il se répand en louanges publiques. L’autre fait preuve d’enthousiasme de circonstance avec conviction et pratiquerait la génuflexion si c’était à la mode. Il fait des courbettes, elle tente la révérence. Les sourires de façade le disputent aux précautions inutiles.

L’autre est un cancrelat qui vit en limitant les risques, un nuisible grégaire, un planqué atavique. L’autre est reconnaissant par nature et ne mordra jamais la main qui le nourrit.

L’autre, parfois, pourrait me mettre en colère.

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