9 avril – Dimitri

J’ai dans la poche de ma veste, protégée par une enveloppe, une photo de Nikita. Elle est sourire et regarde vers le ciel. Je l’ai laissée, là-bas, et je suis là, recroquevillé sous une pluie glaciale, les oreilles vrillées par le bruit des armes automatiques. Je ne sens plus mes pieds, et je sais que le prochain assaut sera peut-être le dernier. Je sais qu’au détour du prochain virage, une bouteille remplie d’essence s’écrasera sur mon casque et que les flammes brûleront la photo bien avant que je perde connaissance. Nikita fondue sur le coeur, j’agoniserai dans les cris de mes camarades hurlant leur douleur. Je n’entendrai pas la mienne, et juste ta voix, Nikita, ta voix qui disait « Reviens moi ». Et j’avais promis, promis de revenir, mais ce que tu ne sais pas Nikita, c’est que même si je reviens, même si je n’étais pas blessé, ce ne serait pas moi Nikita, ce ne sera plus jamais moi, devant toi. Celui qui a du partir ne reviendra pas. Je m’accroche à ton portrait pour ne pas me perdre tout à fait, mais je ne reviendrai pas.

1 réflexion sur “9 avril – Dimitri”

  1. François Bailly

    Ta photo Nikia me hante. Je voudrais la brûler de dépit, je voudrais la laisser sur ma table de nuit. Tu es belle, je suis laide. Chaque matin je me décide à faire un régime et du sport, chaque soir je me lamente de n’avoir rien entrepris en grignotant une tablette de chocolat. Mais aussi pourquoi suis-je née à Charleville-Mézières, le trou du monde, pourquoi mes parents m’ont nourri de saletés dès mon plus jeune âge, pourquoi personne ne m’aime, pourquoi ai-je dû travailler très tôt? Le verdict de mes professeurs a été sans appel : Bonne à rien. Bonne à faire des ménages, oui. Nettoyer la saleté des autres qui se moquent bien de laisser derrière eux mille traces de leur insouciance et du mépris qu’ils me portent. Mépris? Ce serait déjà tenir compte de ma personne. Non, ils m’ignorent totalement. Je ne suis pas réelle pour eux malgré mon embonpoint. Si j’étais slave comme Nikita, originaire d’un pays merveilleux, riche et célèbre, je pourrais m’aimer moi-même. Je me déteste et je n’ai que mes rêves pour tenir le coup. Alors ces débardeurs qui sentiraient vite la transpiration, très peu pour moi. Aucun prince charmant ne viendra me les offrir, n’est-ce pas Dimitri?

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