Comment rester insensible à l’érotisme ferme du melon qu’on fait rebondir sur sa paume pour en jauger la maturité ? Les malotrus tentent d’en arracher le pédoncule, les curieux reniflent la bête. Techniques de barbares. C’est au rebond dans la main que l’expert détermine si le fruit est à point. Le melon idéal n’est ni trop mou ni trop ferme, il ne s’écrase pas et se distingue du caillou par une élasticité subtile qui promet le jus et le sucre. Tout l’avant-bras travaille à détecter la perfection du fruit lourd et souple. A l’oreille, on sait aussi s’il est gorgé d’eau ou trop sec. Lorsqu’on l’ouvre, c’est un soleil qui explose aux yeux en mille éclats qu’on réservera pour de futures plantations. Seule la chair se consomme, crue, et souvent le melon se suffit à lui-même. Variant les plaisirs, il se gorge de Porto, partage la lumière avec une tranche d’un jambon longtemps séché ou se glisse dans une salade empreinte de fraîcheur.
C’est la saison du melon. J’aime l’odeur forte qu’il dégage dans la cuisine où il finit de mûrir. Voilà le moment de le partager pour le servir aux convives. Oh surprise, des marques sont judicieusement placées sur son épaisse enveloppe. Elles vont conduire le couteau de la découpe. Chacun aura sa part et pourra y préparer ses petites boules façonnées à la petite cuillère pour une dégustation odorante et pleine de fraîcheur sucrée.