Correspondance sans correspondante. Lettres en poste restante. Missive to miss. Je ne sais pas si c’est une nouvelle série. Mais je t’écris. Peut-être que tu te reconnaîtras, si tu existes ailleurs que dans ces lettres.
Tu,
Je ne t’écris pas. C’est ce que peux faire de mieux. Ce silence te mets à l’abri des mots que je pourrais t’envoyer. J’ignore lesquels ne te feraient aucun mal. Je ne saurais pas en trouver qui te fassent du bien. Je me tais.
Ce mutisme auquel je me résous, j’espère que tu ne l’interprètes pas comme un désintérêt. Idéalement, tu ne le remarques pas. Tu ne te demandes pas comment je peux aller, tu n’envisages aucun désintérêt de ma part, tu oublies que tu aurais pu recevoir un message – les occasions n’ont pas manqué.
Peut-être qu’il t’arrive d’y penser : que, peut-être, tu risques de recevoir un mot de moi. Les anniversaires ne manquent pas. La seule chose que tu éprouves alors est du soulagement : « ouf. Il n’a pas fait signe. » Cela te libères ; tu n’as pas à te demander s’il faut répondre, ni quoi.
Je ne fanfaronne pas : ne pas donner signe de vie est une épreuve toujours quotidienne. Îl serait plus facile de te submerger de messages, comme ces fous furieux dont on lit l’histoire dans les journaux à l’occasion de leur procès pour des milliers de relances, des tombereaux d’appels au secours, des déluges de mots pas tout à fait rationnels. Je les comprends ces cinglés obsessionnels. Je les comprends, mais je n’en suis pas. Au contraire, je suis fier des milliers de SMS que je n’ai pas envoyés, des centaines de lettres que je n’ai pas écrites (et la douleur des mots jamais articulés sur ta messagerie).
Je suis coi. Une huître passerait à mes côtés pour une bavarde insupportable. Une carpe pour une mégère volubile. Chut, je me tais.
Voilà pourquoi je ne t’écris pas : pour mieux te dédier les pages blanches, les plages insonores, le vol insignifiant des anges.
Tout cela est pour toi, à chaque instant.
Que t’offrir de plus beau ?
S.
