Le petit monsieur a posé sur la chaise sa canne et sa casquette de laine. Il flotte un peu dans son imperméable beige, les deux coudes appuyés sur le comptoir qui le sépare de la professionnelle en blouse blanche. Le petit monsieur a des problèmes de sommeil, il en a parlé à son médecin, d’où la prescription qui l’amène. Il exprime son inquiétude : il a lu la notice qu’il a trouvée sur Internet et craint les effets indésirables du médicament qu’il trouve très dangereux. Il a déjà eu un zona et ne souhaite pas tenter sa chance à nouveau. La pharmacienne s’arme d’empathie et de pédagogie. Y avait-il écrit que les effets indésirables étaient très dangereux ? Non, bien sûr. Vous voyez, dit-elle. Et le vieux monsieur n’a pas évoqué ses inquiétudes avec le médecin. Peut-être aurait-il dû. La potion contient de la mélatonine, là serait le danger ? Allons, il y en a partout. Et ne croyez pas tout ce que vous lisez. Les fraises provoquent parfois des effets secondaires, mais c’est rare. On ne peut pas savoir avant d’avoir essayé. Le petit monsieur reste buté, il hésite toujours. La pharmacienne doit se rendre à l’évidence, il est d’un naturel anxieux. D’ailleurs, il a beau se coucher à onze heures, il reste éveillé jusqu’à cinq. C’est à ce moment qu’il prend un médicament. Voici le tour de la professionnelle de s’interroger tout haut. Si le médicament inquiète le petit monsieur, cela pourrait bien l’empêcher de s’endormir, ce n’est peut-être pas la meilleure option. Le piège se referme sur l’homme qui espérait une solution : si tout l’empêche de dormir, il n’est pas près de trouver le sommeil.