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383 – Fermer

Il aurait fallu ne pas ouvrir les yeux, ne rien écouter des mélodies, fermer son cœur aux phéromones, et ne pas sentir, sous les doigts, le grain de la peau.

Alors, alors peut-être, passant à proximité, il aurait été possible de ne pas tourner la tête et de poursuivre sa route. Sans entorse, sans chute, sans écorcher ses genoux et ses coudes au gravier du sentier. Sourd, aveugle, insensible au goût sucré des fruits, on aurait envisagé une ligne droite. Pour échapper à l’attraction, jusqu’à se lover loin, s’isoler.

On n’aurait jamais su les étincelles. On aurait ignoré le brasier. Les morsures de la braise saisie à pleine paume. On n’aurait pas sur l’immensité des déflagrations possibles. Atteignables.

Il a fallu mourir. C’était la moindre des choses. Se liquéfier. Se dissoudre. Flasque. Flaque. Hélas. Il a fallu la décomposition. Il a fallu passer par la charogne.

Mais qui préférerait la vie sans l’éblouissement qui broie les cœurs les mieux préparés à l’indifférence ?

Il aurait fallu choisir l’anesthésie, pas la douleur ? Le sommeil plutôt que les pleurs ? Éviter la via ferrata des émotions ? Se détourner des à-pics ? Du désespoir ?

On aurait regretté un jour l’aseptisé. On aurait fini par se retourner sans comprendre. Comment aurait-on pu traverser l’existence sans se lacérer le cœur aux barbelés des interdits ? Au tranchant de la beauté ?

On t’aurait rêvée une nuit si l’on ne t’avait pas rencontrée. Peut-être qu’on t’a rêvée. Peut-être qu’on t’a rencontrée. On n’aurait pas voulu qu’il en soit autrement.

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