Manque. Absence. Écho des grandes salles de béton froid, vide. Le rien. L’asphyxie. Le silence haché par le tintamarre des sanglots. La solitude comme une maladie inguérissable. Il y a eu quelqu’un. On ne sait plus quand. On ne sait plus qui. Quelqu’un d’important qui valait le marbre et le velours des rideaux. Quelqu’un d’inoubliable dont le visage et les chants se sont effacés malgré les efforts pour redessiner chaque matin le sourire et le regard qui réchauffait jusqu’aux douves. Voilà les parfums de fleurs blanches remplacés par l’odeur désinfectée des surfaces polies. S’il n’y avait jamais eu personne, rien n’aurait disparu, et aucun regret ne s’’imposerait. Cela aurait-il mieux valu ? On n’a pas le choix. Ce qui a été est irréfutable. Ce qui disparaît laisse une trace, une cicatrice, la blessure d’un creux aux arêtes tranchantes. On y lacère son cœur. Son âme. La plaie ravivée est tout ce qu’il reste. On suinte légèrement et c’est une preuve d’existence. Presque un espoir : cela a été possible. C’est donc envisageable. On aime ce qui saigne encore et torture : au moins ça vit. Mais le vernis plastifié de série, sorti d’usines à rêves délocalisées, c’est la vacuité qui n’offre aucune place aux cauchemars. Tout est sans saveur, éblouissant jusqu’à l’aveuglement, triste comme du prêt-à-porter uniforme. Il faudrait ce grain de sable, ce grincement qui donne à toute chose une âme. Ici, hélas, plus rien n’est vivant ; rien ne l’a jamais été. On est mannequin factice, tête muette, oublié dans la vitrine d’un commerce depuis longtemps en faillite. Impossible de crier. Et il n’y aurait personne pour entendre.
