J’ai une théorie sur la cuisine. Une théorie sur le hors d’œuvre, le hors d’œuvre ouvert, celui qui bien que pensé par le cuisinier offre au gastronome la possibilité d’une interprétation. Le plat ne prend son existence réelle qu’au moment de la dégustation. Œuvre en trompe l’œil qui joue des sens et se dérobe au moment même où l’on pouvait croire l’affaire jouée. Les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être et c’est à celui qui se confronte au hors d’œuvre d’en proposer, en même temps qu’il mange, une interprétation qui le satisfasse. L’œuvre est postiche, et pastiche. Vous croyez voir des carottes, mais vous voyagez avec un saumon. L’entrée a l’allure d’un dessert, mais l’impression se désagrège dès la première bouchée. La rose n’en a que le nom. Je pourrais écrire une thèse, mais comment ? Pour dire quoi ? Presque la même chose jusqu’aux limites de l’interprétation, jusqu’à reconnaître le faux, partout où il se niche.
Macarons, source de désillusion. Vous arpentez une rue commercante et restez en extase devant la vitrine d’un pâtissier. Ces gâteaux multicolores aux formes voluptueuses attirent votre regard. Promesse d’enchantement. Et patatras, une fois le premier macaron dans la bouche, les parfums promis sont indétectables. Surdosage de sucre, absence des goûts promis: fraise, cerise, abricot, pistache, poire ou myrtille… Sensation désagréable de mâcher un corps spongieux. Un bon macaron se mérite après une recherche méthodique. Alors vous pouvez oser des fantaisies, accepter que ce gâteau devienne l’accompagnement d’un apéritif ou se teinte de noir de seiche. Libérons le macaron!