181 – Il pleut

Il pleut sur la ville et cela suffirait à écrire un poème, une lettre, une jolie rédaction. Les gouttes de pluie comme des larmes. Cela a fait couler de l’encre, tellement. Le fond de l’air, et les considérations météorologiques. Qui oserait encore le bulletin en alexandrin pour dire la mélancolie, le spleen, le chagrin d’amour ? Qui pour les rigoles d’eau dans les caniveaux du désespoir ? Ca ne marche pas, rigole et désespoir, tu as remarqué. Ca ne passe pas, la bouche d’égout qui éclate de rire. Le rire maquillé du clown blanc. Triste quoi qu’il advienne. Le rire forcé du Pierrot. Prête moi l’enclume, que je saute à la Seine. Pas de quoi rire, donc. Il pleure sur la ville. Les bons maux tous déjà sur l’ordonnance. Le bulletin de santé nous afflige. Il faudrait rebondir dans les flaques. Fric-frac : on barbote tout ce qui se présente. Qui peut suivre pareille litanie ? C’est ça aussi, le carnet d’écriture. Il pleut sur la ville et l’on voit ce qui vient de l’écriture quasi automatique. Il pleut sur la ville et on laisse tomber les mots sur l’écran. Tu crois quoi ? Qu’on devient écrivain sans ces gammes-là ? Sans ces petits travaux d’écriture qui dérouillent les doigts ? Il pleut sur la ville. Ca plicploque des gouttières. Plicploquer, tu crois qu’il serait advenu, ce verbe, sans les lignes d’avant, sans la flaque et le fric-frac qui barbote ? C’est ainsi qu’on écrit et qu’on trouve ce qu’on ne cherchait pas. Faire confiance aux mots qu’on fiance, s’autoriser le calembour. Le carnet est fait pour l’exercice. Et voilà le fric-frac : mes yeux plicploquent en flaque, un pickpocket a pickpocké ton coeur. Ce n’est pas si compliqué d’écrire. Ou alors si, justement. Il pleure sur mon coeur. C’était si simple et beau, sous le pont Mirabeau. C’est en mélangeant tout, et Verlaine et Apollinaire, qu’on avance. D’autres mots surgissent : c’est feedback ou zigzag, drôle de zigue. La musique de l’eau qui picote le toit. Tu laisses venir les notes ? Tu tient le rythme de l’eau ? C’est cela le carnet. Il en ressort quoi ? Mais demain, scène de pluie, et cette agilité née des gammes du carnet permettra de dire exactement le ploc, le plic, les bruits menus de l’eau et les zigues en slalom qui esquivent les flaques. Pas si mal.

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