Quelque chose de presque royal, dans la pomme dauphine. Quelque chose de noble. Quelque chose de remarquable et d’anti-révolutionnaire. La pomme dauphine, c’est la promesse de régner bientôt, et qu’on aura tous les pouvoirs. C’est la moins populaire des pommes de terre, c’est sûr. « Accompagne idéalement le lièvre à la royale » : c’est dire où l’on se situe sur l’échelle de la gastronomie française. Pas question de blaguer avec ça. Trouver des pommes dauphines bon marché, c’est une hérésie contre laquelle je m’élève avec toute la véhémence dont je suis capable. Je sais qu’il faut choisir ses combats, qu’on ne peut se battre sur tous les fronts. J’ai choisi celui-là : que la pomme dauphine garde son lustre, sa superbe, son ambition. C’est à ma mesure. Je suis Lisalou, défenseuse de la pomme dauphine de tradition. Et je ne laisserai rien passer.
Pommes Dauphine et bouchées à la Reine au même repas? La promesse d’un noble festin, oui. De quoi clouer le bec à cette Lisalou si prétentieuse. Cette lointaine parente qui méprise notre humble condition, il faut lui en mettre plein la vue. Raté. A la vue des pommes Dauphine, elle n’a pu s’empêcher de s’écrier: Vous mangez du surgelé! Jamais chez moi, je ne tolérerais cette facilité.