35 – Action !

Elle ne bouge pas.

A peine un battement de cil, un pincement du coeur, une respiration lente : ce que le corps humain fait de mieux en matière d’immobilité. Le monde peut bien s’affairer.

Immobile. Tout son poids enfonce le coussin prêt à exploser.

Absence totale de réaction, à se demander s’il ne faudrait pas un médecin aguerri pour vérifier d’un coup de lampe torche l’existence d’un réflexe pupillaire.

C’était un corps, ce n’est d’un coup que l’oeuvre d’un sculpteur maniaque. Un marbre, un bronze, un mannequin de vitrine. Toute vie abolie. Sans l’esquisse du moindre mouvement.

Figée.

Comme arrêtée au milieu d’une phrase, les muscles du visage en une expression d’hébétude, elle regarde face à elle, une zone intermédiaire, à mi distance de son interlocuteur. Elle est ailleurs.

Elle avait bougé. Elle s’en souvient.

Tout en elle tente le mouvement. Son cerveau donne les ordres : bouge, bouge, bouge ! Allez… Nier encore l’évidence, tenter une fois de plus. Encore. Encore une fois. Non, rien. Juste un constat. Paralysée.

Elle, fossile d’elle-même, qu’on aurait retrouvé là, exactement, des siècles plus tard, dans une position inchangée.

Arrêt sur image. Ce que permet maintenant la technique. Pause. L’actrice au milieu d’une action, son expression saisie telle quelle. Ce n’est pas la pause qu’on prend pour la photo, c’est ce qui est saisi et qui ne devrait faire que passer. Stop. Mouvement arrêté.

Rédigé dans le cadre de l’atelier d’écriture de François Bon, Outils du Roman (été 2020)

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