Un texte du carnet d’écriture est généralement écrit d’un trait, sans qu’il ait été nécessaire d’y penser au préalable. Un texte du carnet d’écriture n’est pas prémédité. Il n’est que très rarement retouché. Il est souvent écrit au téléphone, avec le pouce de la main droite de lettre en lettre sur l’écran tactile. Il demande une concentration presque totale, le temps de l’écriture. Rarement, il s’interrompt pour ne reprendre que plus tard, jusqu’à ce qu’il soit considéré comme terminé. Il est arrivé qu’il soit écrit par étapes, sur plusieurs jours. Mais c’est l’exception. Dans ce cas, le début du texte n’est pas retouché, ou il ne l’est qu’à la marge. Le texte du carnet d’écriture a donc un aspect spontané. Il arrive cependant qu’une ou deux minutes de réflexion s’impose entre une phrase et la suivante. Cela évite les repentirs, les retouches, les amendements. Un texte du carnet d’écriture peut faire partie d’une série, et les séries peuvent s’étaler au fil de plusieurs années. Les séries peuvent être formelles ou thématiques. Un texte du carnet d’écriture peut être isolé, unique en son genre, sans équivalent. Il arrive que le texte du carnet d’écriture ne soit lu par personne ou que personne ne s’en souvienne. Un texte du carnet d’écriture ne tente pas de signifier quoi que ce soit en particulier. Il peut contredire un autre texte du carnet d’écriture. Les obsessions perceptibles dans une série de textes du carnet d’écriture sont des mirages. Un texte du carnet d’écriture est principalement un texte, exclusivement de l’écriture. Il se déguise parfois en autre chose, et il espère peut-être d’autres fois acquérir une autonomie, de l’importance, voire une vérité. Ce serait accorder beaucoup de pouvoir au carnet d’écriture. Quand le texte du carnet d’écriture n’est pas uniquement constitué de mots, il peut contenir des émotions. Par nature, les émotions sont volatiles alors que les mots pèsent. Il ne reste au bout que les mots. Un texte du carnet d’écriture finit par sécher. Il n’est bientôt que lignes de lettres et d’espaces qui ne reprennent vie que par l’émotion de la lecture. C’est-à-dire pas très souvent. Un texte du carnet d’écriture qui n’a pas été lu depuis longtemps finit par ne plus rien dire à personne. C’est pourquoi il ne faut pas donner trop d’importance au texte du carnet d’écriture, même s’il arrive qu’on le retrouve ailleurs, dans les pages d’un livre, par exemple. Tous les textes du carnet d’écriture rêvent secrètement d’un tel sort. Il n’y aura pas assez de place dans les livres pour les satisfaire tous. Et tous ne le méritent pas.
