La cacahuète est inclusive. À condition d’avoir plus de 36 mois et encore des dents, tout le monde peut en profiter. J’en propose à chaque apéritif, et je ne lésine pas sur la quantité. C’est économique. Le convive rassasié attaquera à table des portions congrues sans rechigner. Avantage subséquent : le client a soif et boit donc plus que de raison. Il commande de nouvelles bouteilles et enchaîne les tournées, même s’il ne fait très vite plus la différence entre la piquette et les grands crus. Je m’en sors assez bien. Pas que je sois pingre, mais un restaurateur doit équilibrer son budget pour assurer ses marges. Et la cacahuète est une donnée non négligeable de l’équilibre. Je dois sans doute à l’arachide quelques vacances en Sardaigne, le jacuzzi dans ma maison, l’école privée des enfants et les nouveaux seins de ma deuxième femme. C’est vous dire si je le suis reconnaissant aux cacahuètes.
De retour à Dieppe, les cacahuètes me semblent exotiques. Elles me rappellent un Sous-préfet venant d’Algérie qui disait quand un projet s’annonçait réussi : « les cacahuètes sont cuites. » Mais reconnaissant l’originalité du Pays de Bray, il disait aussi : « au printemps j’y entend l’herbe pousser. » C’était le signe d’une bonne année de lait pour un beurre goûteux et des fromages de neufchâtel onctueux.