Il faudrait pouvoir s’arrêter de penser. Mettre sur pause. Suspendre. Des pensées suspendues. Mais je n’y arrive pas. Je pense tout le temps. C’est épuisant. Même quand je m’endors, je pense, et si, quand je rêve, je ne peux m’empêcher de penser, ça ne ressemble plus à grand-chose. Le reste du temps non plus, quand j’y pense. Il suffit d’un mot pour passer d’une chose à l’autre, et perdre le fil. Je pense, et pas le moindre raisonnement là-dedans, juste un flot continu de phrases, et parfois plusieurs en même temps, et ça se bouscule, et quand on me demande à quoi je pense, je n’en sais rien. Je ne pense à rien de particulier, c’est seulement que paf d’un coup, un mot, une image, puis une autre, et ça défile, et je ne peux pas trop dire de quoi il est question. Si on me parle, c’est pire, ça rebondit sur ce que j’entends, et je suis incapable de me concentrer sur ce que l’on me dit. Je pense, mais je ne suis pas. Pas la conversation, en tout cas.
Nos amis ont trouvé le mot juste pour notre appartement : exigu. Un salon, une chambre pour nous quatre. Chaque chose à sa place, une place pour chaque chose. Pas de fantaisie possible! Alors quand nous avons vu ces pensées à suspendre, Katia a craqué. Oui mon amour, lui ai-je dit, nous les accrocherons au plafond au-dessus de la cuvette des toilettes. Nous pourrons les admirer en prenant notre douche. Les enfants auraient préféré un circuit de voitures soldé pour un prix dérisoire. Mais là, impossible. C’ est vrai, notre logement est exigu.