Trop vert, pas assez mûr et bientôt pourri. Le raisin se joue de mes nerfs et ne me donne que trop rarement satisfaction. Il est en cela une illustration un peu trop parfaite d’un monde dans lequel le moment juste ne dure qu’un instant et m’échappe toujours. J’attends pour déclarer mon amour le moment opportun et déjà il ne l’est plus. Je finis seul, le soir des fiançailles, un verre à moitié vide à la main. Résigné. Lorsque j’envoie ma lettre de motivation, c’est trop tôt : le poste est occupé ; ou trop tard, il vient d’être pourvu. Je me précipite au supermarché profiter d’une promo alléchante : 1 euro 49 le kilo de raisin blanc. Ne reste au fond du bac immense que quelques grains écrasés. D’autres sont passés avant moi, et le réassort aura lieu après mon départ. Le monde me file entre les doigts et je dois vivre avec la sensation que tout aurait pu être différent et que ça s’est joué à rien. J’ignore si je suis trop lent, ou trop rapide.