Je lui ai dit non, pas ce soir, pas question. Demain, j’ai un examen de botanique. Je ne veux pas sortir. Il faut que je révise. Alors il m’a sorti le grand jeu, il m’a dit qu’il ne pouvait pas se passer de moi, que cette soirée sans moi, ça ne valait pas le coup, et que j’étais tout pour lui, indispensable. Comme l’air qu’il respire, comme la nourriture qu’il mange, comme le sport, ou les séries télé, ou les jeux vidéos, enfin, il n’a pas arrêté de parler, et je n’écoutais plus vraiment. Il est amoureux fou, complètement dingue. Il ferait n’importe quoi pour moi. Et puis il a dit que peu importait, que j’allais changer d’avis, qu’il venait me chercher et que ce serait le plus beau moment de sa vie parce qu’il avait confiance : j’allais sortir et illuminer sa vie comme chaque fois que j’apparaissais. Il en fait vraiment beaucoup. Je lui ai dit non. J’ai tiré les rideaux, j’ai révisé. J’ai mes priorités. Il est resté droit dans ses bottes à faire le poireau sous ma fenêtre. Longtemps. Et puis je ne l’ai jamais revu.
L’odeur du poireau de la soupe hebdomadaire , j’ai l’impression de l’avoir toujours sentie à la maison. Et elle m’a toujours fait horreur! Comme les poireaux en vinaigrette de nos entrées. La première question que je poserai à une copine avant de m’engager plus avant : Adores-tu les poireaux? Peux-tu t’en passer? Je n’ai rien contre les choux, les endives , les épinards et autres légumes, seulement les poireaux. Quand j’ai posé la question à Aimée dans l’obscurité d’un cinéma, elle m’a répondu: Je peux m’en passer si tu veux , mais ne me fait pas de melon, je déteste. Comment peut-elle ne pas aimer le melon? Elle ne doit pas être normale.