N’abandonne jamais tes rêves. Vise toujours plus haut. Les étoiles, au moins les étoiles. Parce qu’il faut voir les choses en grand. Ne rien s’interdire. Oser. Tu parles, mon problème, c’est d’abord l’étagère du haut. Avec mon mètre cinquante-sept, j’ai toujours jalousé les grandes bringues, les girafes de cour de récré, les géantes qui rasent les plafonds, les dégourdies de la détente verticale, les filiformes qui décrochent le pompon… Elles sont insupportables et suffisantes : quel mérite quand tout est accessible ? Il faut faire avec ce qu’on est, et ça ne m’empêche pas de me fixer des objectifs. Mais je suis réaliste. Les étoiles, c’est un peu haut pour moi, même avec des talons. J’aime les échafaudages, les escabeaux, les échelles, et même les escaliers de secours, ou, bien sûr, les marchepieds qui me permettent de voir enfin mon visage dans le miroir et ce qui se passe de l’autre côté du mur.
Dans mon cagibi improvisé dans le coin de l’atelier, je n’aperçois qu’un coin de ciel par ma lucarne empoussiérée. Secrétaire et comptable de mon patron, menuisier de son état, je peine à attraper les dossiers en haut de mon étagère. Lui en rit à gorge déployée. Alexia, tu aurais dû manger de la soupe dans ta jeunesse! Au lieu de se moquer, il pourrait me fabriquer un escabeau avec des chutes de planche. Il n’a jamais le temps. Toujours des commandes urgentes! Quand je tombe sur une publicité de marchepied pliant, je n’hésite pas. Le soir je cours me l’acheter et suis bien déçu en ouvrant le paquet: Comme il est petit ce marchepied! Un jouet d’enfant, oui. Le lendemain mon patron de deux mètres de haut manque de s’étouffer de rire quand il me voit déplier mon marchepied: Il t’en faut trois comme celui-là ma pauvre Alexia!