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La clinique des phrases (d)

Un fait-divers comme on en lit trop, et son titre :

« Fourmies : un piéton mort renversé par un véhicule qui a pris la fuite ».

Un titre et plusieurs remarques.

D’abord l’objet. Ce véhicule. Cette « chose destinée à être manœuvrée pour transporter des gens ou une charge ». L’imprécision est complète. Qu’on en juge par les synonymes possibles (et ce ne sont que quelques propositions) : voiture, camion, automobile, autobus, train, tracteur, char, remorque, deux roues, tramway, moto-crotte… Si vous laissez le choix au lecteur, il risque de s’imaginer une scène qui n’aura rien à voir avec les événements.

D’autant que ce véhicule est doué de mouvement, voire de volonté. D’abord il renverse, ensuite il prend la fuite. Remplacer l’être humain par l’objet, c’est peut-être une figure de style (quoi ? Une métonymie ?) mais c’est surtout retirer toute responsabilité humaine à l’action. Pour plein de raisons, c’est moins lisible, mais on peut surtout penser que c’est une façon de déresponsabiliser les mauvais conducteurs. Ici, on remplacera sans trop de peine véhicule par chauffard.

« Fourmies : un piéton mort renversé par un chauffard qui a pris la fuite »

La forme passive ensuite. Pas d’action. Les choses se font. Ici, un piéton est renversé. C’est lui le sujet, c’est lui l’acteur. C’est donc lui le responsable de l’action. Voilà à quoi sert la forme passive : montrer qui a la part la plus importante dans ce qu’on raconte. Non, ce n’est pas le piéton. On pourrait aisément préférer écrire :

« Fourmies : un chauffard a renversé un piéton et pris la fuite »

Notez qu’on ne perd rien, mais rien du tout, à écrire au présent.

« Fourmies : un chauffard renverse un piéton et prend la fuite »

Cette option met bien l’accent sur l’action, mais elle trahit sans doute ce que le journaliste a voulu dire. Il s’agit d’un « piéton mort ». Evidemment, contrairement à ce que dit le titre, le piéton n’est pas mort avant d’être renversé. « Un piéton mort renversé », c’est sans doute moins grave qu' »un piéton vivant renversé ». Comment visualiser un piéton mort, qui traverse devant le véhicule et qui se fait renverser ? Oui, on gagne beaucoup à visualiser ce qu’on écrit…

Donc, dans la mesure où le piéton était sans doute vivant avant d’être renversé, ce que le journaliste a vraisemblablement voulu écrire est :

« Fourmies : un piéton meurt renversé par un chauffard qui a pris la fuite »

Ici, la forme passive pourrait se défendre, si l’on veut mettre en avant le piéton, insister sur son importance. C’est un choix, même si on peut préférer insister sur la responsabilité de celui qui, au volant, renverse et prend la fuite. Et c’est dans cette optique qu’on proposera :

« Mort à Fourmies : un chauffard renverse un piéton et prend la fuite »

Et si l’on objecte qu’ignorant les circonstances de l’accident, on ne peut porter de jugement et désigner le responsable comme un chauffard, reste une option :

« Mort à Fourmies : un chauffeur renverse un piéton et prend la fuite »

Avec les deux points, n’est-ce pas ? Car avec une virgule, c’est une anacoluthe : et vous laisseriez entendre que ce serait le chauffeur qui serait mort à Fourmies. Ce qui l’aurait évidemment handicapé pour prendre la fuite.

A votre service, comme conclut souvent L’Oreille tendue. Et l’on ajoute que si la construction des phrases vous intéresse, EcrireClair.net propose une formation complète sur le sujet. On a même une offre sur le choix de mots, et une sur la meilleure façon d’organiser un texte.

1 réflexion sur “La clinique des phrases (d)”

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