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Chaque mois, cinq idées pour améliorer votre créativité éditoriale

Journal – octobre 2024

1er octobre

Envoyé hier un manuscrit à l’éditeur. Un texte que j’estime donc abouti. Je n’ignore pas que l’on travaillera encore un peu, s’il l’accepte. Mais ce texte dit des choses qui m’importent. Je n’ai pas d’inquiétude. Bizarre sérénité qu’offre la réception de Parfois l’homme : le texte qui suit bénéficie de l’élan donné, même modeste, c’est tout de même un élan. Donc un manuscrit : un texte à contrainte, pas une une simple histoire, peut-être pas plus une histoire que Parfois l’homme. Il est évidemment trop tôt pour en dire beaucoup plus. La question est : s’occuper à écrire quoi, maintenant ? J’ai un texte sur Perec en ligne de mire. Et puis il y aura le texte commencé à l’été 2023. Mais celui-là dort encore, et peut-être dormira-t-il jusqu’à l’été prochain. Ce serait bien. Laisser reposer.

2 octobre

La panne. Parmi les personnes que j’accompagne dans l’écriture, ils sont plusieurs ces jours-ci à connaître la panne : ils doutent, ne savent plus comment s’y prendre, ne trouvent pas le temps d’écrire (tout en sachant pertinemment que c’est une fausse excuse pour ne pas regarder l’écran en face). Il faut quoi ? Leur redonner envie et confiance. Je leur montre ce qu’ils peuvent faire à leur texte, comment le relancer. Je leur dis la prise de distance nécessaire, parfois. L’objectif ? Qu’ils ressortent de l’heure passée ensemble non seulement rassurés, mais avec de l’envie. De l’envie d’écrire. La phrase qu’ils me disent : ça va mieux, je vois quoi faire. Alors, j’ai gagné.

3 octobre

Dans la nouvelle édition d’Autoroute de François Bon (Tiers-Livre éditeur) lire le témoignage du préposé à l’entretien de l’autoroute, dans les annexes : une poétique de l’autoroute qui dépasse de loin la vision technique, plutôt détaillée. L’autoroute, l’objet inanimé, c’est plus que le ruban à travers le paysage (image convenue), c’est un être vivant, qui respire en fonction de la température, qui transpire sous la pluie, qui protège des vestiges. Là où le riverain voit une cicatrice, là où l’usager ne fait que passer, le technicien voit la profondeur, la largeur, le mouvement, la stabilité, l’ingénierie. Et l’autoroute est un fauve qu’il caresse et comprend et dont il prend soin.

5 octobre

Continuer à écrire.

La vie, c’est parfois juste le goût du café qui ne quitte pas le palais juste après qu’on a passé l’aspirateur, et le soleil sur la façade des immeubles d’en face.

6 octobre

La résilience. Le mot est galvaudé, il sert d’alibi. Ce n’est pas effacer la douleur. On n’efface pas la douleur. Elle est là, en soi, aussi brûlante qu’elle peut l’être. On apprend à vivre avec. La résilience, ce n’est pas revenir à l’état de départ ; on n’y revient pas. Je ne sais pas ce que ce serait exactement. Il y a une reconstruction post-traumatique. Mais le traumatisme ne disparaît pas. Des personnes ont failli te tuer. Des personnes en qui tu avais confiance. Et tu dois vivre avec ça, et avec leur déni. C’est le déni qui est impardonnable. Parce que c’est le déni qui leur permettra de recommencer. La résilience ? On verra. Le chemin est long.

7 octobre

Visite hier du Musée Rodin. Ce qui compte, l’innocence possible du marbre, les difformités du bronze. Un Victor Hugo nu, avançant d’un pas, la monstruosité d’ogre de Balzac. L’amour et le désespoir. States vivantes qui hurlent. Trop de monde autour du penseur. Et les portes de l’enfer dont on attend qu’elles s’ouvrent. Rodin ? La gloire à soixante ans.

8 octobre

Monaco. Voitures de luxe. Ostentation. État officiellement catholique. Avortement illégal. Densité des constructions. Yachts. Argent. Argent. Dire Votre Altesse à la princesse. Le monde se divise en strates. Ici, on est plutôt en haut. Rencontre lectrices et lecteurs à la médiathèque. Ce soir, annonce du lauréat ou de la lauréate de la bourse découverte de la Fondation Prince Pierre. Nous sommes cinq, et faire connaissance n’est pas le moindre intérêt de ce moment un brin irréel.

9 octobre

Fin du très beau séjour à Monaco. Je ne suis pas lauréat, mais très belles rencontres avec les autres nommés pour la bourse Découverte, quelques membres de l’Académie française et Goncourt. Monaco comme une découverte, sentiment étrange que ce pays est une fiction qui se raconte elle-même et dont les personnages sont palpables. Un pays de la taille d’une petite ville, où sont toutes les marques de luxe. Ostentation. Si je ne retiens qu’un mot, c’est celui-là : ostentation.

10 octobre

Lutte quotidienne pour ne pas penser en permanence à ce qu’il se passait il y a un an. La violence des événements qui remonte à la gorge. Évidemment, le chemin parcouru est tellement encourageant. Mais… je ne veux pas que tout cela ait été vain.

11 octobre

Quoi d’autre que la littérature ? Et sinon ?

12 octobre

Il y a toujours des mains tendues trop tard et la bonne conscience des bouées lancées quand on s’est déjà noyé. Ils diront que l’on n’a pas su l’attraper. Notre faute si depuis un moment déjà nous dérivons loin en aval ?

13 octobre

Il y avait à Monaco un lecteur particulièrement marqué par Parfois l’homme. Un livre qu’on écrit peut provoquer ça: toucher, toucher au cœur. Il avait le livre sous le bras, des questions. Des pages de notes et pouvait citer des phrases du livre de mémoire. On ne maîtrise pas ce genre de choses. C’est à la fois beau et terrifiant : que dire ? Le livre est placé si haut… je n’en suis plus l’auteur, ça m’échappe. Je suis forcément décevant, pas à la hauteur. Ou, si je m’y crois, se sera pour mieux retomber au sol.

14 octobre

Terrible comme l’année passée me revient en plein visage. Je sais le biais de confirmation, tout ce que je lis aurait tendance à me confirmer les erreurs commises dans la gestion de ma dépression par mon employeur. Hier j’apprends que l’ostracisme crée dans le cerveau un schéma qui imite l’expérience de la douleur physique. Ostracisme : décision d’exclure quelqu’un d’un groupe, de le tenir à l’écart. Rien de particulièrement rassurant à ce que les études en neurosciences confirme mon ressenti. Retenir : mettre une victime de dépression à l’écart n’est pas, mais alors pas du tout, une solution. Au contraire. Par exemple, quand un salarié vous demande de lui envoyer un dossier pendant son arrêt maladie pour dépression pour mieux préparer son retour et que vous refusez, vous aggravez son cas.

15 octobre

Animation d’une formation à l’écriture. Démonstration de l’Intelligence Artificielle. Impressionné à chaque fois par les progrès que je crois y déceler. Savoir s’en servir change réellement beaucoup de choses. Mais savoir s’en servir, c’est savoir écrire : ce qu’on doit demander, ce qu’on doit modifier, ce qui fait sens. Comment va-t-on vivre avec ça ?

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