Journal – 16

8/2/22
Revenir sur la pratique de la notation quotidienne dans le journal et son principal avantage. Se concentrant sur la lecture et l’écriture, elle tient tout le reste à distance, le temps au moins de l’écriture des quelques lignes. Un peu plus si l’on ajoute le temps pendant lequel on se demande ce qu’on va bien pouvoir écrire ici. C’est autant de temps volé au reste des préoccupations. Ce n’est pas rien. D’autant que je pense parfois au journal à bien d’autres moments qu’au moment d’écrire. Même il m’arrive de noter ce que je pourrai y écrire à d’autres moments (mais c’est rare). Le journal s’écrit généralement avant 7 heures du matin. Avant le démarrage des choses, selon mon emploi habituel du temps. J’entame aujourd’hui la seizième semaine de ce qui est devenu un rituel. Tenant à distance tout le reste, et donc le relativisant.

9/2/22
Chaque jour, Le Catalogue 2022 continue de s’étoffer. Chaque jour un personnage de plus, et un objet supplémentaire donne un texte qui s’ajoute aux autres. Et souvent un petit texte, ou deux, ou trois, en commentaire sur le site. Des textes tout aussi fictionnels que les miens, et qui jouent du rapport entre le prénom et l’objet. Comme une sorte d’atelier d’écriture permanent qui gonfle jour après jour le nombre de personnages qui commence à constituer un attroupement, et bientôt une foule, et comme un embouteillage aux caisses du supermarché. Les personnages s’ajoutent au personnage et leurs histoires, et leurs préoccupations. Ce qui nait du dispositif me ravit.

10/2/22
Reçu Mon catalogue, de Claude Closky. Je suppose l’objet assez rare, tiré à 1000 exemplaires en 1999 aux éditions du Fonds régional d’art contemporain du Limousin. Mais, forcément la démarche m’intéresse. Je ne connaissais pas lorsque j’ai lancé Le Catalogue 2022. Et si ça en est proche par certains aspects, ce n’est pas du tout la même démarche. J’en cite un résumé lu en ligne : “un recueil de plus de 1000 articles empruntés à la publi-information et présentant la « panoplie idéale de l’homme moderne » : de la chemisette en toile de Mayenne à la porte de garage motorisée, en passant par le rembobineur automatique de cassettes vidéo, le porte cravate électrique et l’agrafeuse sans agrafe… Un portrait drôle et inquiétant de la société de consommation et de ses appâts.” Oui, on est tout près. Mais le ton est bien différent. On trouve en ligne des extraits du texte de Claude Closky. Sa panoplie de l’homme moderne est remarquablement efficace. Cest un seul homme décrit par ce qui pourrait être l’ensemble de ce qu’il possède, comme en creux.

11/2/22
Les objets disent une époque et c’est peu consciemment ce que dit le 2022 dans Le Catalogue 2022. Le catalogue de Claude Closky a une génération d’écart. Celui de l’Autobiographie des objets de François Bon est intermédiaire, mais renvoie à une période antérieure. Et c’est par les objets autant le portrait d’une génération que celle d’un homme. Closky dit l’homme moderne de 1999 avec les objets de son temps. François Bon une forme de nostalgie, comme on se souvient et se raccroche aux objets quand les souvenirs font défaut. Dans la mesure où l’on a la moindre conscience de ce que l’on dit, je dis la consommation de masse, et la masse absurde des consommateurs confrontés à des tombereaux de produits dont le disparate le partage souvent à l’inutilité. Mais, toujours, les produits façonnent l’histoire, les histoires, le rapport au monde. Ils font la narration.

12/2/22
Lu Cela n’arrivera jamais, d’Eric Pessan. Heureux de le lire tard, donc après avoir écrit le texte qui attend son éditeur. Lu avant, c’est le genre de livre qui m’aurait influencé : trop d’échos, même si évidemment, ce n’est pas la même chose, mais certains passages d’Eric Pessan tout près de ce que j’ai écrit. Mieux vaut toujours découvrir ça après. Comme j’ai découvert L’Homme dé après l’écriture d’Eno, la chasse aux rastacs. Ce n’est pas (du tout) le même genre de proximité, mais dans les deux cas, je préfère beaucoup avoir découvert ces textes après l’écriture plutôt que pendant, ou avant. Reste que j’aimerais bien que ce manuscrit qui attend n’attende plus…

12/2/22
Le dispositif pourra-t-il mettre à l’abri du découragement ? On n’en est pas là, mais je sais que, jour après jour, semaine après semaine, l’enjeu du Catalogue 2022 est aussi la durée de l’exercice, sa régularité, alors même qu’autour la vie ne promet rien de régulier, et qu’elle se révèlera difficile ou exaltante, ou les deux et qu’il faudra faire avec et poursuivre le petit exercice d’écriture quotidien. Il y a un pari dans la décision d’une série aussi longue. Un an. Ce que ça change un an, ce que ça bouleverse, et ce qu’il y a d’inattendu à en attendre, et se dire qu’on tiendra la durée, et que c’est en partie pour cela que le Catalogue 2022 aura de la valeur. Il faudrait, pour écrire que la vie ait la bonté d’une régularité que jamais elle n’offre. Il se passe toujours quelque chose.

13/2/22
Trouver plus de livres à acheter en un dimanche que je peux en lire en une semaine. Toujours cette question de ce qu’il convient d’acquérir “parce que ça pourrait être pratique de l’avoir sous la main un jour”, attitude confortée par l’animation d’ateliers d’écriture. Cette question du la possession symbolique : “tu te dois de l’avoir, car sans ce livre il manque quelque chose à ta bibliothèque”, ce qui n’a j’en conviens aucun sens rationnel. La question du “je trouverai le temps de le lire, parce que celui-là j’ai envie de le lire”, qui semble souvent la seule qui tienne la route. Commander un livre tout de même, chez un petit éditeur, parce que c’est la moindre des choses. Et qu’il répond aux trois questions.

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