Il y a un petit trou dans mon gilet en laine au niveau du poignet gauche. Un trou de rien, que ma grand-mère aurait reprisé en quelques minutes il y a cinquante ans. Un trou, même, qu’on a dû m’apprendre à raccommoder du temps où le nécessaire à couture était toujours à portée de main dans le foyer. Le dé à coudre et l’œuf pour les chaussettes qu’on reprenait tant qu’il était possible. C’est que je portais alors des pulls tricotés. Il y en avait dans les tiroirs des commodes et sur les planches des armoires pour les soirées froides, col rond, le plus souvent. Ces pulls ont disparu. Les meubles ont été vidés. Dispersés. Il ne reste que les trous dont personne ne reprendra les mailles.
Il y a ce petit trou à ma manche gauche et le gilet ne vivra plus que les heures de solitude sans apparat. Un autre viendra bientôt le remplacer. C’est plus simple.
Et la somme des trous bientôt nous engloutira tous.
