Correspondance sans correspondante. Lettres en poste restante. Missive to miss. Je ne sais pas si c’est une nouvelle série. Mais je t’écris. Peut-être que tu te reconnaîtras, si tu existes ailleurs que dans ces lettres.
Tu,
Je t’ai vue. À moins que je t’ai rêvée. Je ne peux pas être sûr. Quoi qu’il en soit, c’était une bonne chose. Te deviner heureuse, te savoir vivante, t’entendre me parler. Enfin.
Le miracle s’est concrétisé : nous étions face à face, comme si la veille déjà nous nous étions parlé, comme si le silence et le désert étaient oubliés. C’était simple, sincère, limpide, fluide. C’était bien.
Il y avait des couleurs, l’eau pétillait, il faisait chaud et l’on aurait pu effacer les mois et les années de désespoir. On les a effacé. C’est comme si rien ne s’était produit. Le bonheur de se retrouver, le bonheur de te retrouver.
Cela suffit. Que demander de plus aux journées qui s’annoncent ?
Et qu’importe si j’ai tout inventé. Il est clair que cela change le poids du monde, la densité des afflictions.
C’est un peu comme si tu t’étais évaporée. Il avait fallu le temps de l’évaporation. Un temps perdu, un temps de brouillard, un temps de larmes. Chacun dans notre brouillard et nos larmes.
Et tu as repris pieds, retrouvé l’équilibre. Et tu t’es matérialisée. C’est comme un miracle. Le genre de chose que je n’osais plus espérer. Tu étais là. Tu te ressemblais.
Cela peut sembler peu de choses. Mais par où je suis passé, au creux boueux des ornières, j’ai cru que rien de tel ne serait jamais possible. Je me suis nourri de terre humide et de limon pollué sans espérer autre chose que l’argile et le gravier.
Alors toi, là. Les rires et la légèreté presque, alors que j’ai encore aux genoux et aux coudes des croûtes de glaise séchée… te dire au moins que je me suis senti revivre.
C’était peut-être un mirage. Mais j’y crois. J’ai senti les vapeurs du bonheur m’effleurer. Un instant.
Qui aurait pu croire cela possible ?
S.
