Ne pas tromper autrui, ne pas se tromper soi-même. Dans le Carnet d’écriture, ici, travailler avec les mots. Honnêteté : oser le décompte de ce qu’on referait, de ce qu’on ne referait pas. Tenir dans le compte ce qu’on n’a pas pu faire autrement. Tenir ses comptes, se regarder droit dans les yeux, devant la glace, et oser le bilan. Quand a-t-on été honnête ? Qui l’a été avec soi ?
On tourne en rond depuis si longtemps avec la bêtise et l’hypocrisie. Les deux grands sujets avec l’amour. Donc, honnêtement, que regrettes-tu ? Rien ? La posture est impossible. Elle est malhonnête par essence. Celui qui dit qu’il ne regrette rien n’a qu’une colonne à son bilan. Il n’a aucun reproche à se faire, il est du côté qui ne doute pas. Bêtise ou mensonge.
Allez, que regrettes-tu ? Fais la liste. Ne rien avoir dit quand il aurait fallu. Être resté quand il aurait fallu partir. Avoir accepté ce qui n’était pas acceptable. Avoir tenu coûte que coûte. Jusqu’à la fracture.
Dans la cour du collège, en cinquième. Ce grand de troisième qui tient mon majeur dans son poing. Je ne cède pas. Je tiens aussi longtemps que je peux. Sa bêtise est plus forte que la mienne : double fracture du majeur de la main gauche. Pour toujours dévié par rapport à son axe. La leçon aurait dû être retenue : il faut céder avant la casse. Il ne faut pas faire confiance à l’intelligence de l’autre. La raison du plus fort…
Il ne faut pas, soi-même, se retrouver en situation de casser le doigt de plus buté que soi.
L’honnêteté, c’est savoir ce qu’on regrette au moment du bilan.
Je ne regrette rien. C’est la phrase la pire, et l’applaudir, se faire complice du faux bilan. Et partager la honte.
La liste des regrets est longue.
Ce texte écrit en fin d’année, quand fleurissent les bilans et les perspectives, quand l’on se montre plus beau qu’on a été, quand on promet plus qu’on tiendra.
Regretter, déjà, d’avoir écrit : je ne regrette rien. S’apercevoir du ridicule, de l’orgueil, de la fatuité.
Et comme c’est déplacé.
