Correspondance sans correspondante. Lettres en poste restante. Missive to miss. Je ne sais pas si c’est une nouvelle série. Mais je t’écris. Peut-être que tu te reconnaîtras, si tu existes ailleurs que dans ces lettres.
Tu,
Les semaines passent sans réponse. Aucun signe. Le silence est ta seule manifestation tangible : tu existes, puisque tu te tais. Je compte encore pour toi puisque je ne te suis pas assez indifférent pour que tu t’adresses à moi comme à ton voisin de palier, ton boulanger, un collègue.
Le silence que tu me réserves m’émeut. Je ne peux pas m’y tromper : il en dit tellement plus que le bonjour hypocrite qu’on accorde négligemment à celles et ceux qui ne comptent pas. Il faut pour le silence une concentration de chaque instant, une volonté, un acharnement.
S’il ne te coûtait rien de me donner de tes nouvelles, de prendre des miennes, tout serait perdu. Tu me mélangerais au commun des mortels et je me réjouis de n’être pas tout à fait comme les autres, fut-ce au prix de ton absence.
Je sais à l’agenda des manifestations culturelles et festives que tu vis les événements auxquels je prends grand soin de ne pas me rendre. J’évite les lieux où nous pourrions nous croiser. Je ne saurais comment me tenir, quel signe t’envoyer, et je crains plus que tout que tu me salues comme tu saluerais n’importe quelle connaissance. Je ne peux prendre le risque de ton indifférence. Comment y ferais-je face ? Que pourrais-je répondre à l’anodin, au superficiel, à l’a peine effleuré ?
Je te préfère dans mes souvenirs. Profonde et chaleureuse, attentive et aimable. A l’écoute, prompte aux conseils, lumineuse.
Polie, urbaine, tu me clouerais sur place : plutôt le silence que te découvrir comme les autres, banale et prévisible. Médiocre.
Je ne me relève pas. J’ai cru que j’y arriverais, c’était trop optimiste. Je reste là, en retrait des soubresauts qui s’imposent. Spectateur de mes agitations de surface. Incrédule lorsque j’arrive à jouer la joie ou le bonheur quelques instants. Puisque c’est ce qu’on attend de moi.
Continuons à ne rien nous dire, dans l’immense respect de ce que nous avons traversé. Acceptons de ne plus rien savoir. C’est, encore, ce qui nous rassemble le plus.
S.
