
Je ne veux pas chipoter, mais hors de question qu’on me présente l’endive comme un fruit. Un fruit, que les choses soient claires, c’est quelque chose qui contient des graines, ou un noyau, quelque chose qui pourra s’avérer fructueux, et donc donner naissance à une plante. Il n’y a rien d’autre à faire d’une endive qu’un gratin, ou une étuvée, voire une salade. Mais j’ai un jardin et je sais de quoi je parle : il n’y a rien à faire au jardin avec une endive à part du compost. C’est ça le destin d’une endive : le compost. Alors vendre l’endive comme un fruit, c’est prendre les gens pour des imbéciles. La pilule est amère, difficile à avaler, vraiment. On passe des dîners de famille entiers à se crêper le chignon pour savoir ce qui est un légume et ce qui est un fruit, et là, paf ! en un mot dans un catalogue, ça relance la machine à fantasmes. On en reprend pour des heures de discussion. Merci, vraiment, merci.
Arnaud se souvient d’avoir participé, en Belgique, à un atelier d’écriture intitulé « Des Mots à la Bouche ». Il y avait proposé un texte sur les hésitations engendrées par le chicon :
Né — ou pas— de la pleine terre,
blanc, jaune, blond,
festin amer cru en salade,
ou plus doux cuit en gratin,
son nom même souffre de variations,
endive des pédants,
chicorée des prétentieux,
chicon des autres.
J’ai hésité entre » se crêper le chignon » et « se crêper le chicon », j’avoue…
L’endive, synonyme d’hiver. Finies les salades du soleil, les ratatouilles, les tomates généreuses. Sans la betterave rouge pour compenser son teint d’anorexique, quelle tristesse dans mon assiette! Pour l’adoucir, la braiser avec de la bière , la passe au four avec jambon et gruyère, maigres variations en attendant mieux. Le mieux: les premières asperges aux étales des marchands. Ces nobles légumes, promesses de printemps.