Carte muette

Puisque l’occasion m’était donnée hier de parler du premier roman de
Philippe Vasset, je vais aller au fond des choses, et dire aussi
quelques mots du deuxième, Carte muette,
paru au mois d’aout 2004. Si le premier roman de Philippe m’a enchanté,
le second m’a laissé perplexe un bon moment, et je ne dois pas être le
seul. Il avait pourtant deux bonnes raisons de me plaire. Premièrement
le thème : il s’agit d’un groupe de gens qui se lance, à l’occasion
d’un concours richement doté, dans la cartographie d’Internet. C’est un
nouveau continent à découvrir, une expédition qui n’épargne rien. On
est en plein roman d’aventure, du Jules Verne, du Stevenson :
difficulté de l’exploration, complexité de la carte, interrogation sur
l’usage qui en sera fait, d’autant que cette fois, c’est la carte
elle-même qui constitue le trésor… Mais, et c’est le deuxième point,
pour la première fois, un roman se nourrit de l’écriture en ligne, de
celle que l’on trouve dans les emails, notamment, pour produire de la
littérature. Cet aspect là est fascinant : je n’avais jamais lu quoi
que ce soit qui rende aussi bien compte dans la fiction de ce qui peut
se nouer entre correspondants sur un écran d’ordinateur.
Reste qu’à la première lecture de ce court roman, j’étais un peu resté
sur ma faim. A force de travailler le langage au corps, Philippe Vasset
m’avait perdu dans les méandres de ses paragraphes. Normal, au souvenir
de la découverte de son premier roman, je m’étais jeté voracement sur
celui-là, tellement bien écrit que son style avait eu raison de ma
lecture trop rapide.
Je m’étais juré de le relire, ou au moins d’y repenser, en laissant un
peu le temps à ma première impression de se sédimenter. Le résultat est
là : Carte muette
n’est certes pas un roman "classique", certes pas un texte "grand
public", mais je suis persuadé que les lecteurs de Perec et de sa
tentative d’épuisement d’un lieu parisien, par exemple, se régaleront
avec cette aventure, et d’autant plus s’ils sont internautes.
Pour les autres, il faudra un peu plus de temps. Mais Philippe Vasset
trace son chemin, et sa réflexion sur l’avenir de la littérature. Il
nous entraîne au delà de ce à quoi nous sommes habitués.
C’est peut-être ce qui caractérise les vrais auteurs.

Carte muette, Philippe Vasset, Fayard

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