L’amère n’a pas bonne réputation. Question de goût, question d’époque : ce n’est pas ce qu’on préfère, mais une mauvaise raison de bouder la marmelade d’oranges amères dont la subtilité diffuse confère au toast la faculté de sublimer les saveurs d’un thé habilement choisi. Plaisir de gourmand, de gourmet, et, surtout, plaisir sucré qui n’a d’amère que le nom du fruit qui a compoté longuement. J’aime à la faire découvrir à qui ne la connait pas. Mais voilà, maman, amère… le pot me replonge dans les affres d’une enfance qui mériterait peut-être quelques années de psychanalyse. Et je saurais enfin pourquoi j’ai toujours une réserve de cette marmelade dans mes placards et pourquoi c’est là que je plonge une petite cuillère un peu coupable les soirs où la déprime m’étreint plus que d’ordinaire.