Determ Vlodisk finit par comprendre que les fils céderaient un jour et que ses plaies allait sécher. Il suffirait du vent et du soleil. Il suffirait de la distance. Il suffirait du silence. Il n’entendrait plus les imprécations des sorcières. Et le chemin aux cailloux tranchants s’adoucirait. C’était une question de patience.
Il serrait les poings et il s’arrêtait de plus en plus rarement pour reprendre son souffle. Au bord du chemin, on lui souriait. Même si le visage de Determ Vlodisk était fermé, on lui offrait une gourde d’eau fraîche, on lui proposait de s’asseoir un instant à l’ombre d’un mur de pierre ou d’un figuier.
Si la fatigue le poussait à accepter, il n’avait pas assez confiance pour se laisser aller. Il restait aux aguets. Et si on l’avait suivi jusque là ? Les coups pouvaient encore l’atteindre. Il n’était plus assez fort pour encaisser. Il ne supporterait pas. Les inconnus remarquaient son inquiétude, mais personne ne lui posait de question : son silence se passait de commentaire.
Il sourirait, un jour. Un autre jour. Pour le moment, on ne pouvait que lui ouvrir des portes sans s’offusquer qu’il n’accepte que rarement les invitations : il devait avancer encore, creuser la distance, se mettre à l’abri.
Determ Vlodisk ne savait pas exactement pourquoi il en était là. Ses cicatrices se souvenaient pour lui. Lorsqu’il s’endormait, jamais longtemps, toujours sur le qui-vive, il revivait une scène de lapidation. Et tous en cercle qui riaient autour de lui et qui lançaient leurs graviers, leurs cailloux, leurs galets, leurs brique. Determ Vlodisk avait sans doute fait partie du cercle, d’autres fois. C’était le règne de l’humiliation. On y était tour à tour victime ou bourreau. Ça n’avait aucun sens.
Il voulait porter sa part du monde. Il ne pourrait le faire qu’ailleurs. Il s’en approchait.
Determ Vlodisk marchait depuis des mois. La peau de son dos, tannée par les intempéries, dorée par le soleil, avait d’abord été une croûte. Elle formait une nouvelle carapace, plus épaisse, ornée des stries des cicatrices. Il se prenait à siffloter et, parfois, à s’endormir profondément.
Il ne voulait encore croiser personne de sa vie d’avant. Il évitait le fourmillement des places de marchés. Mais le moment de l’indifférence s’approchait.
