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28 mars – Jeanne-Marie

La première s’ouvre d’un coup de couteau sec et précis. J’appuie d’abord à la jointure de l’huître maintenue fermement, la lame s’enfonce et je tourne précisément pour couper le muscle qui retient les deux parties soudées. Jeter la première eau, poser l’huître dans le creux de l’assiette. Passer à la suivante. Naître en Bretagne, ouvrir sa première huître à quoi ? Douze ans ? Pas trop tôt, tu ne voudrais pas qu’elle s’ouvre la paume, disait la mère à mon père. Non, pas la paume, c’est vite fait et les hôpitaux sont envahis de touristes qui n’ont pas le coup de main et qui, au troisième verre de blanc et à la deuxième huître se fichent la lame dans la ligne de vie. Mauvaise idée. Je n’ai jamais hésité, jamais ripé, jamais dérapé. Une douzaine ? C’est trois minutes montre en main. J’ai fait la saison plus souvent qu’à mon tour à les ouvrir par douzaines pour les Parisiens prudents qui n’osaient se lancer dans l’aventure.

1 réflexion sur “28 mars – Jeanne-Marie”

  1. François Bailly

    Tiens, des assiettes à huitres ! En rangeant ce placard où nous entassons au fil de notre vie, tous ces objets dont nous ne savons que faire, ces assiettes me rappellent notre copain Paul. Nous l’avions invité à passer un week-end dans notre chalet. Ce célibataire endurci avait quitté sa Bretagne pour monter nous voir. Huit cents kilomètres de route se terminant par des lacets de plus en plus serrés quand même. Quel mal avons-nous eu à retenir notre fou-rire quand nous avons déballé le cadeau qu’il nous avait apporté. Qu’allions nous faire de ces assiettes ici? Trouver du saucisson, de la viande séchée, des diots, ou du munster en forme d’huitre pour se couler dans leurs alvéoles. Pauvre Paul, toujours à côté de la plaque! Mais bon bougre. Il ne s’est pas vexé de notre réaction et a dévoré avec entrain notre jambon, nos raclettes, tartiflettes, tartes aux noix ou aux myrtilles.

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