Le poème s’écrit le soir
Juste avant le sommeil
À mots choisis qui préparent
Le terrain du cauchemar
Des mots précis
Qui disent la douleur
Que berce la souffrance
L’absence de réponse qui a fait s’écrouler les digues
Le refus du dialogue
Qui a fait se rompre les amarres
Et tout s’est écroulé dans un silence de ouate qui étouffait les cris
Étouffer
Asphyxié
Etranglé
Le poème qui s’écrit est tétanie des poumons sans air
Cloué au matelas
Le poème est irrespirable coussin plaqué sur le visage
Noyade
Comme on coule en rêve incapable de réagir
Comme on coule dans les courants putrides
Aspiré
C’est mourir cent fois broyé sous des blocs en béton
Des paquets d’eau
Recouvert de tonnes de sable
Paralysé
Écrasé par les mètres cube de ciment près à figer
Jusqu’à ne plus pouvoir bouger ni respirer
Et surtout ne plus vouloir
Glisser vers les abysses sans fond
Ce sort, après tout, en vaut bien un autre
Qu’on disparaisse sous la pression des masses
Qui serait-on pour résister ?
Qui serait-on pour ne pas imploser ?