Site icon Sébastien Bailly

72 – Portraits

Si le dessinateur peut croquer dans les lieux publics les personnes qu’il croise un moment, l’écrivain peut faire de même. Pas là où je me sens le plus à l’aise, et pour ça que c’est un travail de carnet. Ici, deux textes pris sur le vif, en un temps très bref, pour tenter de saisir deux silhouettes qui peut-être auront leur place dans un livre. Comme on retrouve dans les tableaux du peintre les croquis de ses blocs à dessin.

Elle a la beauté de la jeunesse, – peau lisse, tendue, ambrée, sans défaut –, mais déjà plus dans le regard la timidité de celle qui ignore l’effet produit, les promesses sous-entendues : un mélange troublant de confiance et de pureté. Cheveux bruns, tenus en arrière par un simple élastique et qui tombent jusqu’aux épaules. Elle a croisé les jambes sous un peignoir blanc qui laissera deviner, lorsqu’elle se lèvera avec le souci charmant de ne pas déranger, de ne pas faire le moindre bruit, d’à peine produire le moindre mouvement d’air, le haut noir d’un maillot deux pièces. Le sourcil un peu épais, sauvage est contrebalancé par la sophistication d’un mascara appliqué avec soin au-dessus d’un œil brun. Elle lit.

Il se distingue par la forme ovoïde du crâne rendue apparente par le cheveu coupé ras, plus large à hauteur de la nuque qu’au-dessus des oreilles, le teint mat, mais, surtout, par l’épaisseur grasse des cuisses qui tend le pantalon de jogging gris sale et par le tour de taille, assis, qui laisse deviner quelques vagues de graisse superposées par la gravité sur le haut des jambes et qui ne permettent que rarement la peau du ventre bien tendue. La cheville gauche est prise dans une attelle, signe d’un accident récent. Il boit sans bruit, mais avec application, presque en une fois, un verre de bière jaunâtre qui n’aura pas eu le temps de tiédir, et l’on s’attendrait à un rot qui ne vient pas.

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