Il ne dit pas un mot. C’est à peine s’il est là. Tout juste s’il inspire. Son visage n’exprime ni joie ni douleur, ni peine ni entrain. Il expire. Rien ne se devine de l’emballement de son rythme cardiaque. Rien ne se perçoit de la tension de ses muscles. S’il avait à parler, sa voix tremblerait. Il serait, au bout de quelques phrases, essoufflé. Il chercherait ses mots. Il bafouillerait.
Il mime le calme. Il travaille sa discrétion, il se camoufle, s’invisibilise. En silence. Pour autant, il ne se met pas en retrait. Neutre en tout point, il ne laisse aucune impression.
D’autres occupent l’espace, animent, s’agitent, existent. D’autres expriment un avis, sourient, partagent une expérience, se désolidarisent ou s’accordent, et tentent d’influer sur le cour des choses.
Ce n’est pas son tour, plus son jour. Le moment est passé. Il n’essaiera plus. Il n’a pas d’avis. Ou le garde pour lui, l’étouffe, l’oublie.
Il ignore l’ordre du jour, le nom et la fonction des personnes présentes. Il ne croise aucun regard, assuré de ne laisser aucun souvenir aux uns ou aux autres.
Il aura été aussi peu présent qu’on peut l’être, à la limite de l’absence. Il n’aura rien écouté – à peine entendu des échos : qu’aucune trace ne reste qui pourrait attester son intérêt.
Il n’aura qu’effleuré le réel de l’arrondi des ongles, sans bruit, sans griffure, surpris que tout soit tel quel, identique au jour où il avait quitté la partie.