7 juin – Gilbert

Je me suis réveillé chez elle, ignorant son prénom ; elle ne connaissant pas le mien, et deux méthodes permettent de juger quelqu’un qui dort encore sans lui poser la moindre question. Sa bibliothèque, deux pauvres planches et trois livres défraichis qu’elle avait dû lire au lycée, et son frigo, vide également, sauf une paire de yaourts vanille au lait de brebis bio. Qui ne garde qu’un exemplaire de Madame Bovary entre un théâtre choisi de Corneille et une anthologie de la poésie classique ? Qui ne se nourrit que de yaourts, fussent-ils de brebis ? J’en avais assez vu et décidais de partir sans la réveiller, comme un malotru, un impoli, un goujat. Mais, quoi, si elle choisissait ses conquêtes comme ses livres ou ses yaourts, mieux valait fuir que risquer la comparaison. La fille de la nuit prochaine, peut-être, croulera sous les piles de littérature contemporaine et les andouillettes. Je lui proposerai de l’épouser.

1 réflexion sur “7 juin – Gilbert”

  1. François Bailly

    Longtemps j’ai détesté les yaourts, comme le lait en général d’ailleurs. Et puis les grains de sucre qui crissent sous la dent, soigneusement mélangés dans le pot, m’ont réconcilié avec ce laitage. Verser le sucre, remuer lentement, manger par petits doses successives, ce cérémonial si simple m’a enchanté. Et puis sont apparus les yaourts aux fruits, au chocolat bien sûr, aux ingrédients les plus surprenants les uns que les autres. Maintenant je tombe sur cette publicité: Yaourt vanille au lait de brebis bio. Quel titre à rallonge! Je ne me laisserai pas tenter. Rien ne remplace pour moi la sensation du sucre qui craque sous la dent. Un yaourt sans sucre ajouté par mes soins, c’est comme un baiser sans moustache ou un œuf sans sel. Je n’oublie pas mes classiques.

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